La commission européenne qui est toute-puissante, vient par un pur acte de langage, mais hautement performatif, de transformer l’énergie nucléaire en énergie « verte » et « durable ». Une toute-puissance et une performativité que l’on n’avait pas vues à l’œuvre depuis la profération divine « - que la lumière soit ! » - à laquelle, nul n’est tenu de croire.
Le public a appris à cette occasion l’existence et le sens du mot « taxonomie » qui désigne « la science des lois de la classification ». Des lois évidemment évolutives, en fonction des évolutions de ceux qui les formulent.
Penser/classer a condensé Georges Pérec dans un bref essai (1985). La Commission européenne ayant le pouvoir de classer, a également celui de faire penser selon ses lois. C’est du moins son but comme le montre Debord dans ses Commentaires de 1988 :
« On peut garder le nom quand la chose a été secrètement changée (de la bière, du bœuf, un philosophe). On peut aussi bien changer le nom quand la chose a été secrètement continuée : par exemple en Angleterre l’usine de retraitement des déchets nucléaires de Windscale a été amenée à faire appeler sa localité Sellafield afin de mieux évacuer les soupçons après un désastreux incendie en 1957, mais ce retraitement toponymique n’a pas empêché l’augmentation de la mortalité par cancer et leucémie dans les alentours. Le gouvernement anglais, on l’apprend démocratiquement trente ans plus tard, avait alors décidé de garder secret un rapport sur la catastrophe qu’il jugeait, et non sans raison, de nature à ébranler la confiance que le public accordait au nucléaire. »
A l’annonce de la métamorphose opérée par la formule magique de la Commission européenne, les persifleurs se sont esclaffés que la radioactivité de ses déchets était la seule chose durable dans le nucléaire. Une sorte d’éternité au regard de nos vies d’humains. Cette éternité a pourtant eu un début – en 1939, en France – et un pays, la Provence, colonie nucléaire et militaro-industrielle depuis les années 60 ; de Marcoule à Pierrelatte, de Cadarache au plateau d’Albion, des piles aux missiles, de la fission à la fusion nucléaire.
Histoire et tableau de la Provence nucléaire par Renaud Garcia.
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