La revue futuriste et franco-ricaine We Demain publie un dossier sur les laboratoires qui "connectent le cerveau et les machines". On y trouve cet encadré sur les dernières nouvelles de Clinatec.
Clinatec
Faire remarcher les tétraplégiques
Thibault est tétraplégique, mais depuis plus d’un an, il avance et bouge les bras grâce à un exosquelette qu’il contrôle mentalement en laboratoire. Voir des patients paralysés se lever, marcher et manipuler des objets, c’est l’objectif du projet Brain Computer Interface du laboratoire grenoblois Clinatec, fondé par le professeur Alim-Louis Benabid. Moins invasif que ceux des projets Neuralink ou BrainGate, l’implant se situe sous la boîte crânienne, à la surface et non dans le cortex. Ce qui lui permet d’être réversible et d’éviter les lésions.
Mais pour la médecin Perrine Séguin, la prouesse réalisée par Clinatec pose des questions de bénéfice-risque pour les patients : l’opération chirurgicale nécessite de faire « deux trous de 5 cm dans l’os du crâne, avec les risques que cela comporte », rappelle-t-elle, et « dans l’étude publiée, sur les deux patients opérés, l’implant de l’un d’eux s’est arrêté et a dû être enlevé ». De plus, selon elle, ce type de dispositif n’est « fonctionnellement pas encore utile », pour les patients : alors que Thibault peut se déplacer en fauteuil roulant, l’exosquelette de Clinatec doit par exemple être attaché au plafond pour ne pas tomber, et « il manque encore la préhension », sur laquelle travaillent activement les chercheurs grenoblois.
Selon Perrine Séguin, d’autres recherches, bien que moins avancées techniquement, sont plus utiles au patient. Comme face à Neuralink, elle s’inquiète aussi de l’espoir suscité par ce type d’annonce : « Certains patients vont à l’étranger se faire implanter tout et n’importe quoi », se désole-t-elle.
Le projet est en outre calibré sur un patient pilote : « Ce n’est pas parce que ça marche avec lui que ça marchera sur tous les autres », prévient Camille Jeunet. Clinatec a donc fait sa preuve de concept, mais beaucoup reste à faire.
Séverine Mermilliod
We Demain, n°32, nov-déc. 2020
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