A l’occasion des rencontres Technologos, consacrées à "la part de la technique dans la montée de l’autoritarisme", nous republions en une de notre site l’article d’Engels, exhumé en 2015 dans "Ludd contre Lénine" (voir De la technocratie. La classe puissante à l’ère technologique).


Un an après la Commune, à l’automne 1872, Friedrich Engels, l’alter ego de Marx, exécute les « antiautoritaires » - c’est-à-dire les anarchistes et libertaires de l’époque - dans un article aussi bref que brillant. Si nous le republions un siècle et demi après sa parution dans l’Almanaco Republicano, ce n’est pas que nous, les anti-industrialistes, nous rendions à la rationalité technicienne de Engels, mais parce que celui-ci a l’avantage sur ses adversaires de poser le débat en termes clairs et corrects, et de mettre en lumière leurs contradictions.
En fin dialecticien, il distingue en effet deux types d’autorité – rationnelle ou irrationnelle - s’exerçant dans deux cadres différents : la sphère économique et la sphère politique. Partant, il n’a aucun mal à montrer que même « les plus furieux antiautoritaires » obéissent à l’autorité, c’est-à-dire l’imposent, dès qu’il s’agit d’action organisée – quitte à se payer de mots en dissimulant l’autorité sous un faux nom (« mission », « coordination », « fédération », « association », etc.).
« Or, l’organisation est-elle possible sans autorité ? »
Certainement pas dans le domaine politique qui est également celui des rapports de force, où les parties antagonistes imposent leur autorité par la violence, l’insurrection, la révolution, la répression, etc.
Et encore moins dans le domaine économique où les producteurs sont soumis « à un véritable despotisme indépendant de toute organisation sociale », que l’on soit en régime capitaliste ou collectiviste. La Machine commande. Engels le prouve par l’exemple – la filature, les chemins de fer, le navire (l’avion dira Marcuse un siècle plus tard). « Vouloir abolir l’autorité dans la grande industrie, c’est vouloir abolir l’industrie elle-même, c’est détruire la filature à vapeur pour retourner à la quenouille. »
Précisément. L’organisation scientifique du monde, le monde-machine qui ne se limite plus à la production (usines 4.0, raffineries, centrales, porte-containers automatisés) mais qui absorbe l’ensemble des activités sociales et personnelles (Internet, télétravail, smart city, e-commerce, e-administration, loisirs) sous l’autorité de la Machine à gouverner est plus totalitaire que ne le furent jamais les machines politiques du passé.
Anarchistes et libertaires, encore un effort pour être vraiment antiautoritaires. Détruisons la Machine ; désertons la politique ; ou cessez les faux-semblants.

Pièces et main d’oeuvre

(Pour lire le texte d’Engels, ouvrir le document ci-dessus.)

Lire aussi :
Débat sur le despotisme de « la technique »