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La reverdie est un chant d’amour et de printemps, issu de vieilles traditions païennes et paysannes, qui surgit dans les pays de langue d’oc au XIIe siècle, avec Guillaume IX d’Aquitaine (1071-1127), le premier des troubadours connu ; et s’étend jusqu’au XVe siècle dans les pays de langue d’oïl, où Charles d’Orléans (1394-1465) serait le dernier trouvère connu. On vous passe l’anglo-normand, le franco-provençal et toutes les langues merveilleuses issues des fusions gallo-romaines et des gosiers gallo-germaniques.
« Dieu, c’est-à-dire la nature » (Spinoza). La reverdie et ses formes diversifiées (l’aube, la pastourelle, etc.), exaltent la puissance « naturante » (génératrice) du divin, et exultent de l’immersion du « naturel » (de la progéniture), au sein de la nature – c’est-à-dire de dieu. Le poète ne chante pas la nature ; il est la nature qui chante ; au même titre que les eaux, les oiseaux, les feuillages. Ce chant de la nature célébrant sa propre renaissance, inséparable de la saison des amours.
Nos vieux chants paysans, même raffinés par de sçavants poëtes, ignoraient cette prétendue coupure nature/culture que leur reprochent à tort les novices de l’école desco-latourienne. Pommes et poèmes poussaient naturellement, si l’on ose dire, des poètes et des pommiers. – Mais on peut le dire à la façon du « socialisme scientifique » : « la nature est le corps non organique de l’homme » (Marx).
François d’Assise (1182-1226), né avec la reverdie, pourrait être décrit en termes anachroniques comme un fils à papa des années soixante. Un héritier cherchant sa vocation successivement dans le business, la route et la poésie beatnick (donc mystique), l’engagement chevaleresque au service de la patrie (René Char), et la conversion finale à la vie en communauté (les douze premiers franciscains), à la pauvreté heureuse et à l’exultation de la coexistence avec frère Soleil, sœur Lune, etc. De manière tout aussi anachronique, on pourrait dire qu’il est contemporain du Jésus qui célèbre « les lys des champs », et du Kerouac qui chante « les vagabonds célestes ». Ces trois-là vivent dans leur temps à eux, qui n’est pas celui de tout le monde.
Passons sur les vicissitudes de l’ordre franciscain qui, comme l’église ou le mouvement écolo-beatnick, vit son idéal fondateur inversé de l’intérieur par ses héritiers matériels et institutionnels. C’est à San Francisco, en 1966, que l’historien Lynn White, renoua avec le sens originel du Cantique des créatures, dans sa conférence sur Les racines historiques de notre crise écologique. Treize ans plus tard, une bulle de Jean-Paul II fait de François d’Assise le saint patron des écologistes (1979), et en 2015 l’actuel pape « François », issu de la Compagnie de Jésus, publie Laudato si ; tout à la fois un plagiat et un dévoiement du poème de François d’Assise. L’exégèse de Bergoglio prend soin, en effet, de laisser ouverte la voie du teilhardisme et du transhumanisme.
Il revient donc une fois de plus à des individus sans dieu ni maître de prendre la défense de croyants, honteusement trahis par leurs institutions. C’est ce que fait Renaud Garcia en accueillant François d’Assise et les poètes de la reverdie dans Notre Bibliothèque Verte.
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