Si on parlait d’autre chose ? Le « virus chinois » qui nous beugle dessus à coups de mass media depuis ce début de printemps, on s’en lasse.
C’est l’histoire, maintes fois contée, aussi souvent refoulée, de la destruction d’un peuple et de son pays par le chemin de fer. C’est la plus triste histoire du monde, ou peut-être juste l’histoire du monde : la « conquête de l’Ouest », le Transsibérien, le TAV Lyon-Turin, ou plutôt Lisbonne-Kiev, qui se ruent à travers plaines et montagnes avec leurs cargaisons de touristes et de marchandises, sous les applaudissements unanimes des officiels.
Libéraux ou communistes, les technocrates sont No Border. Ils ne veulent voir qu’un monde-machine : celui qu’ils pilotent. Le Tibet et le Val de Suse, avec leurs paysans et leurs montagnards, ne sont pour eux que des obstacles, des poches arriérées sinon réactionnaires. Des zones à détruire.
En 2006, un demi-siècle après l’invasion du Tibet par l’armée chinoise, le progrès est arrivé en gare de Lhassa sous la forme du « Dragon de Fer » qui l’enchaîne à Pékin. Il s’agit pour l’impérialisme chinois de noyer les 6 millions de Tibétains qui n’ont pas fui en Inde et ailleurs, sous l’afflux de colons chinois et de touristes occidentaux. De siniser le Tibet, de piller ses ressources en eau et en minéraux.
Aucune internationale ou conférence bouddhiste mondiale ne soutient les Tibétains. Ils n’ont pas le pétrole, ni l’argent du pétrole. Ils n’ont pas un milliard de compatriotes et/ou de coreligionnaires mobilisés à leurs côtés. Ils ne tentent pas de conquérir ni de convertir le monde entier. Ils ne commettent pas de massacres suicides. Ni chez eux ni en Chine ni ailleurs. Ils résistent aux Chinois comme les Québécois ont résisté aux Anglos et les Juifs aux Gentils : par la langue et la culture.
Quand les Chinois occupent ou détruisent leurs centres d’enseignement, les Tibétains se font brûler par dizaines. Imagine-t-on des Franco-Ricains se faire brûler pour défendre leur langue contre l’imposition du globiche américain ?
Ces jours-ci, les Occidentaux découvrent l’impérialisme chinois – après les Tibétains, les Ouïgours, les Taïwanais, les Hong-Kongais et tous les voisins de la Chine. Ce ne sont ni le « collier de perles », qui étrangle la Mer de Chine, ni les « Routes de la Soie » qui étendent leur toile jusqu’en Europe, qui les inquiètent. Mais un virus, peut-être échappé du laboratoire P4 de Wuhan. Ils se plaignent poliment. La Chine n’est pas transparente. La Chine abuse de son hégémonie industrielle sur la fabrication des masques. Ce qu’il leur reste à découvrir derrière l’impérialisme chinois, ou celui de ses rivaux, ce que les habitants de Wuhan et de Gafaland connaissent déjà, c’est l’empire de la Machine. Le techno-totalitarisme.
Novalis : « Peu d’hommes sont des hommes. C’est pourquoi les Droits de l’homme, extrêmement indécents, sont élaborés comme s’ils existaient réellement. Soyez des hommes, et les Droits de l’homme vous reviendront d’eux-mêmes. »
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