En librairie : De la technocratie. La classe puissante à l’ère technologique, par Marius Blouin. Voir ici.
Les flux de touristes déferlent vers le soleil de Provenceland. Clichés et mots clés ; TGV, calanques, Mucem, Ohème, migrants, misère, corruption, mafias, saleté, narcotrafic, effondrement et chaos urbains, etc. Certes, il y a de ça. Mais pour y être nés ou pour y vivre depuis longtemps, ce que nous voyons aussi - depuis la promotion de la ville au rang de « Capitale Européenne de la Culture », en 2013 - c’est sa mutation industrielle, dans sa phase d’emballement numérique.
Pas une semaine sans un article de La Provence consacré aux câbles à fibre optique sous-marins, qui sortent de la baie du Prado ou sur les quais du Grand port maritime ; sans évocation de la prolifération des centres de stockage numérique (data centers), et des débats « citoyens » qu’ils provoquent ; sans rebattage d’oreilles à propos de la « transition » écologique/électrique à Marseille, avec son pêle-mêle d’investisseurs célèbres, de « pôles de recherche et développement », de partenariats « prestigieux » avec les industriels les plus influents, tels l’armateur Rodolphe Saadé, directeur de la CMA-CGM (Compagnie maritime d’affrètement - Compagnie générale maritime).
On sait d’ailleurs que le président Macron, industrialiste forcené et fondé de pouvoir de la technocratie dirigeante, a pour Marseille de giga ambitions, partagées par son maire de gauche Benoît Payan, par son président de région, de droite, Renaud Muselier, et par ses alliés, les Saadé. Il s’agit de faire du port de Marseille une tête du réseau mondial des télécommunications, un nœud solide de l’enserrement de l’Europe et du monde dans la toile du tout-numérique. Or, ce projet – non moins giga en termes financiers et infrastructurels - n’est que la mise en œuvre concrète d’un plan conçu dès les années 1830, par les ingénieurs et polytechniciens gagnés au saint-simonisme, et exposé par Michel Chevalier, l’un de leurs plus efficaces stratèges, dans son Système de la Méditerranée (1832). Voir le résumé en annexe.
Les saint-simoniens, c’est-à-dire les intellectuels organiques de cette technocratie dirigeante, alors aux débuts de son essor vertical. Une chose qu’on ne peut lui chicaner deux siècles plus tard, c’est la clarté et la constance de ses objectifs à long terme. Une suite dans les idées, les intérêts, l’action, les moyens et les méthodes, dont ne furent jamais capables les oppositions éparses et sporadiques à ces projets - faute d’avoir su discerner et nommer leur ennemi véritable - la classe technocratique derrière ses financiers & bureaucrates. L’armée techno-industrielle derrière son trésorier, le Capital (privé ou public) et l’État, son administrateur. La même classe, en somme, qui abuse aujourd’hui le gogo avec la « transition énergétique », le zéro carbone et tant d’innovations « vertes ».
Nous sommes ainsi partis de notre étonnement devant ces gigantesques câbles surgis de la plage du Prado, pour reconstituer le fil d’une histoire industrielle de Marseille. Mais reprenons les choses dans l’ordre, au premier tiers du XIXe siècle, donc.
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Lire aussi :
TomJo & Marius Blouin, Bleue comme une orange
Chap. 1 : Vues générales historiques et physiques - Pour moins patauger dans les Pays-Bas
Chap. 2 : L’orangisation agricole du Moyen-Âge
Chap. 3 : Je lutte et j’émerge
Chap. 15 : Saint-Simon, l’ingénieur-prêcheur de l’industrialisme
Chap. 16 : Lyon, 1830-1834, chef-lieu de l’industrialisme
Chap. 17 : 1831-1834. Les femmes aussi