En librairie : De la technocratie. La classe puissante à l’ère technologique, par Marius Blouin. Voir ici.


Lyon, automne 1832. Le premier, Joseph Bouvery, est un canut, chef d’atelier - c’est-à-dire tout petit patron - mutualiste militant à une époque où la loi Le Chapelier (1791) proscrit toute « corporation professionnelle ». Il collabore en outre à L’Echo de la Fabrique (octobre 1831-mai 1834), le premier journal ouvrier en France, fait par des ouvriers pour des ouvriers. Huit pages sur deux colonnes, publiées chaque dimanche.
Le second, Anselme Pétetin (1807-1873), est un jeune journaliste républicain, rédacteur en chef du Précurseur (1826-1834), autre feuille lyonnaise parmi les journaux locaux de toutes tendances, qui ne cessent d’apparaître et disparaître.
Entre les deux sanglantes insurrections de novembre 1831 et d’avril 1834, syndicalistes ouvriers et intellectuels libéraux débattent intensément de cette nouvelle société industrielle, alors en plein essor. La question des machines est l’une des plus discutées. Sont-elles une bonne ou une mauvaise chose pour les ouvriers ? pour la société ? Voilà toute la controverse entre Joseph Bouvery et Anselme Pétetin, poursuivie dans sept numéros de L’Echo de la Fabrique, du 9 septembre au 18 novembre 1832. De cette controverse, nous republions ici les extraits essentiels, les arguments de fond. A peu près les mêmes qu’échangent aujourd’hui les syndicalistes soucieux des effets du calcul machine (IA) sur l’emploi des salariés, et les idéologues enthousiastes de « l’innovation technologique » comme solution à tous les problèmes.

Joseph Bouvery n’est pas plus un briseur de machines qu’un syndicaliste d’aujourd’hui. Il en possède en tant que chef d’atelier. Il travaille avec – mais – il voudrait réguler leur introduction, leur usage, et compenser leurs effets négatifs pour les ouvriers. Quant à Anselme Pétetin, 25 ans avant les Grundrisse de Marx (1857), 148 ans avant les Adieux au prolétariat d’André Gorz (1980), il prophétise hardiment l’avènement d’une « machine universelle » (sic) dont il ne s’agit plus que d’exproprier « les gros capitalistes », afin que gérée démocratiquement, elle serve au bien-être général – il ne prononce pas les mots de « revenu universel garanti ».
L’exemple des révoltes luddites (1811-1812), vingt ans plus tôt, de la déshumanisation indissociable d’une machination générale, du ravage industriel des villes et des campagnes anglaises, n’a pas servi d’avertissement. Le dernier mot de la gauche technocratique après deux siècles de pollutions et destructions planétaires – malgré toute son agitation sur le réchauffement climatique – demeure : « Une autre machine est possible ». L’ « écosocialisme » ? L’électricité + les réseaux sociaux. Autant revenir aux termes originaux de ce débat entre « machinistes modérés » et « machinistes extrémistes », ils avaient déjà tout dit [1].

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Lire aussi :

[1Lire « Machines et machinations : le débat entre Anselme Pététin et Joseph Bouvery » par Ludovic Frobert, dans L’Echo de la Fabrique. Naissance de la presse ouvrière à Lyon. 2010. ENS éditions & Institut d’histoire du livre. Pour lire L’Echo de la Fabrique et l’intégralité de la controverse Bouvery/Pétetin, voir les archives numérisées.