En 2006, le CEA-Grenoble célèbre son cinquantenaire. Pour l’occasion il organise une semaine de promotion du 15 au 20 mai, avec un grand concours de scientifiques rabattus du monde entier. Et, pour faire passer les petits fours, un opuscule d’auto-glorification signé Yves Ballu, brosse à reluire ordinaire de la maison, et publié par qui ? Gagné : le Daubé.
Normal : en 50 ans de malfaisances du CEA-Grenoble et de l’industrie nucléaire, jamais le Daubé n’a publié une ligne critique sur l’un des plus gros centres du techno-gratin. Ainsi, dans la cuvette, les technarques ont non seulement le monopole de la décision, mais aussi celui du discours.
Qu’à cela ne tienne, à 45 jours de l’inauguration de Minatec par le CEA-Grenoble et l’INPG, nous vous offrons la véritable histoire du "premier centre technologique de Rhône-Alpes".
Le 1er juin 2006, le président Jacques Chirac et le Commissariat à l’Energie Atomique de Grenoble ( CEA-Grenoble ) inaugurent Minatec , le plus grand centre de recherche européen en micro et nanotechnologies [1].
« Révolution technologique », « Pôle d’Innovation », « Fleuron de la Croissance »... Ce jour-là, les superlatifs ne manqueront pas. Ni le champagne, le budget annoncé pour la cérémonie atteignant les 600 000 euros, dont la moitié aux frais des Isérois.
L’année 2006 coïncide également avec le cinquantenaire du CEA-Grenoble . L’occasion pour le plus grand centre de recherche technologique en Rhône-Alpes d’organiser une série d’évènements courant mai. Relayés par les médias, ces évènements présenteront aux yeux de l’opinion publique une image glorifiée du CEA-Grenoble , celle d’une recherche publique motivée par la saine curiosité intellectuelle et la passion de la découverte, une science au service du Bien commun.
Cette image ne résiste pas à l’examen. A mille lieux du battage médiatique, explorons ici la part essentielle et généralement occultée du CEA-Grenoble . Ses liens organiques avec l’Armée et l’Industrie, son influence sur le milieu politique grenoblois, ses impacts sociaux et écologiques. Le vrai visage de la recherche scientifique moderne. 50 années du CEA-Grenoble .
« La Défense est un acteur majeur dans la recherche, elle appuie les recherches civiles et militaires qui sont de plus en plus imbriquées. »Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense
en visite à Minatec et au CEA-Grenoble
Dauphiné Libéré , 25/03/06
Le lien entre la recherche civile et militaire constitue sans doute le plus grand tabou du CEA-Grenoble . Il faut ratisser patiemment la littérature locale pour obtenir quelques éléments sur ce sujet, tant les journalistes, les historiens et les élus locaux l’abordent peu.
Ce tabou a été brisé par la visite de Michèle Alliot-Marie au CEA et à Minatec le 24 mars dernier. Cette visite « aura permis de rappeler ou de révéler les relations existantes entre la Défense nationale et la recherche grenobloise. Deux exemples : en matière de propulsion nucléaire (sous-marins, porte-avions), le CEA est notamment responsable de la conception et de la maintenance des réacteurs. » [2] Il est également impliqué dans « l’expertise dans le domaine des explosifs et leur détection, le développement de capteurs chimiques ou biologiques à haute performance, l’étude des effets de rayonnements ionisants sur les tissus biologiques... » [3]
Un centre de recherche civile, le CEA-Grenoble , développant des applications militaires ? Secret de polichinelle, certes. Mais si cette situation ne choque pas outre mesure l’actuel milieu scientifique grenoblois, il en était autrement aux origines du CEA .
En 1945, le général de Gaulle crée le CEA avec l’ambition d’utiliser l’énergie nucléaire pour ’’faire la bombe’’. Mais cette option se heurte à l’opposition d’une grande partie du milieu scientifique. « A peine nommé à la tête du CEA, Frédéric Joliot-Curie se déclarait ouvertement opposé à l’option militaire. » [4] A l’époque, l’opinion publique partage les positions pacifistes du haut-commissaire du CEA , physicien communiste et ancien résistant.
Avec la Guerre Froide, la Raison d’État l’emporte. Joliot-Curie est révoqué en 1950 pour avoir signé l’appel de Stockholm exigeant « l’interdiction absolue de l’arme atomique ». En 1951, Pierre Guillaumat est nommé administrateur général du CEA . Cet ancien militaire et agent secret oriente le Commissariat vers le développement de l’arme nucléaire. Il évince les chercheurs susceptibles de sympathies pour le communisme et crée, au sein du CEA , la Direction des Applications Militaires (DAM), structure secrète « soustraite même au contrôle des parlementaires » [5].
L’opinion publique se déclarant majoritairement hostile à l’arme atomique, le CEA se devait de présenter une façade respectable. Elle lui sera fourni par le double-discours et la désinformation [6]. « Alors même que les dirigeants politiques et la direction du CEA affirmaient publiquement que la France avait choisi de ne pas développer d’options militaires, il fallait donc gérer cette contradiction à l’intérieur même du CEA. Les services de recrutement du personnel en vinrent alors à exercer un contrôle politique minutieux sur les candidats à l’embauche, y compris sur les sites déclarés officiellement ’’civils’’, mais orientés vers une finalité militaire. » [7]
Le CEA devient un ’’État dans l’État’’ qui, quelle que soit la succession des gouvernements, entreprend la réalisation de la bombe, « le tout dans le plus grand secret, notamment à l’égard du Parlement comme pouvait l’autoriser le régime administratif d’exception du CEA dont Pierre Guillaumat sut habilement profiter. » [8]
C’est dans ce contexte que Pierre Guillaumat crèe le Centre d’Études Nucléaires de Grenoble (CENG) en 1955 [9]. A sa tête, un homme qui symbolise la liaison Recherche-Armée grenobloise : Louis Néel, physicien devenu un pivot des relations industrielles, militaires et universitaires de la Ville (cf. encadré en fin de chapitre 1).
La spécialité du CENG ? Le magnétisme et l’électronique. Il s’agit notamment de « développer une électronique capable de fonctionner dans des environnements hautement radioactifs, ce qui a motivé la création du Léti en 1967. Premier bourgeon du nucléaire, ce laboratoire est aujourd’hui à la pointe de la recherche dans l’électronique, les micro et nanotechnologies. » [10]
Là encore, le premier directeur du CEA-Léti , Michel Cordelle, est un ancien militaire : « Comme plusieurs autres cadres du CENG à ses débuts, cet ingénieur Supélec venait de la Marine. Les contrats avec l’armée dans le domaine du magnétisme contribuaient à entretenir l’ouverture vers l’extérieur, ce qui devint une préoccupation constante de Michel Cordelle, l’axe de la stratégie du laboratoire d’électronique qu’une de ses formules résumait : "Servir l’industrie dans la préparation de l’avenir". » [11]
Ou, pour être plus précis, servir l’industrie qui à son tour sert l’Armée. Car du CEA-Léti vont naître de nombreuses start-up stimulées par les commandes militaires [12]. Ainsi, c’est « un besoin militaire, le développement de détecteurs et de caméras infrarouges, qui motive en 1978 la création au sein du Léti du Laboratoire Infrarouge (LIR). [...] suivi et stimulé par la DGA [Délégation Générale de l’Armement] qui bénéficie d’un droit de visite permanent. » [13] Ce laboratoire crée en 1986 la start-up Sofradir . A l’époque, l’Armée souhaite disposer de détecteurs infra-rouges de "deuxième génération" destinés aux caméras thermiques très haute performance. Autre exemple : Soitec , start-up lancée à partir du CEA-Léti en exploitant la technologie semi-conducteur SOI (Silicon On Insulator) en 1992. Il s’agit de « vendre du SOI pour le militaire et le spatial » [14] . Citons également Apibio , start-up du CEA-Grenoble et du laboratoire BioMérieux . Créée en 2001, elle développe notamment des biopuces pour détecter les attaques biologiques ou chimiques.
Cinquante ans après la création du CEA-Grenoble , cette collaboration active entre la recherche civile et l’Armée trouve son aboutissement dans la construction de Minatec . Un projet imaginé et porté par Jean Therme, directeur du CEA-Grenoble , là encore un expert du complexe militaro-industriel . Avant de prendre la tête du CEA-Léti en 1992 puis du CEA-Grenoble en 2000, il a fait carrière chez Thomson et Alcatel .
Procédé médiatique habituel, Minatec est d’abord présenté à l’opinion publique comme un projet civil. Mais dès 2001, le lecteur attentif pressent l’importance militaire de Minatec dans un article du Dauphiné Libéré [15] . S ous le titre « Les micro-technologies, un enjeu de taille pour la Défense », cet article rend compte d’une journée ’’Science et Défense’’ organisée à Grenoble en partenariat avec la DGA : « Cette journée était l’occasion d’exposer aux quelques 200 congressistes les priorités déduites des besoins de défense et ce, par le biais de différentes conférences réparties selon trois grandes thématiques : micro-technologies pour l’électronique et le traitement du signal, capteurs intégrés pour la maîtrise du renseignement et enfin, matériaux et structures "intelligents" ou nanostructurés. [...] Pourquoi avoir choisi la capitale dauphinoise ? Pour son rayonnement mondial à travers ses nombreux laboratoires, centres de recherche et universités qui constituent une source inépuisable d’innovations dans laquelle la Direction Générale pour l’Armement pioche régulièrement [16] . Un choix qui selon Laurent Malier [DGA] , s’est imposé tout naturellement. »
’’Tout naturellement’’, la DGA et le CEA signent en novembre 2002 une « déclaration d’intention pour une coopération renforcée dans le domaine des composants électroniques » [17] . Objectif : « satisfaire les besoins de la défense pour la veille technologique, l’accès aux technologies civiles les plus avancées et l’acquisition de technologies spécifiques. » La DGA aura accès à l’observatoire des micro et nanotechnologies et à l’ Idea’s lab , une « structure de réflexion sur les applications des technologies, pour la veille à court-moyen terme et l’évaluation de la menace ». « Minatec constituera également un chemin d’entrée par lequel les industriels de la défense auront accès aux technologies les plus avancées en matière de microélectronique et de micro-systèmes. » L’Armée sera associée aux orientations de Minatec , « participera au choix des sujets de thèses, aux groupes de réflexion sur l’élaboration des programmes du CEA-LETI et cofinancera certains des programmes de recherche retenus. » « Ce partenariat traduit la volonté commune des deux acteurs, la DGA et le CEA, de mettre en commun leurs efforts de recherche et d’harmoniser leurs objectifs d’innovation technologique. ». Comme le résume si bien la Ministre de la Défense lors de sa récente visite : « Notre intérêt pour Minatec illustre [...] l’engagement croissant de la Défense dans la recherche et l’innovation. »
Et dans ce domaine, autant dire que les nanotechnologies occupent une place de choix. Comme le nucléaire en son temps, ces nouvelles technologies constituent pour l’Armée un axe stratégique. Missiles intelligents, drônes de combat ou de surveillance, nanoarmes, cuirasses de fantassin... Ces perspectives suscitent l’enthousiasme de la Direction des Applications Militaires : « La nano-structuration des matériaux énergétiques ouvre des possibilités d’amélioration des performances, tant en réactivité qu’en énergie, des explosifs et des propergols pour la propulsion des fusées. [...] Les applications visées sont essentiellement les propulseurs solides de missiles ou de lanceurs spatiaux. » [18]
Si la recherche civile autour des nanotechnologies masque ses applications militaires, c’est que, comme pour le nucléaire, « les nanotechnologies sont par nature duales » . C’est en tout cas ce que souligne une étude réalisée par le CEA et le cabinet Alcimed en avril 2004 [19]. Cette étude décrit notamment l’intérêt des nanotechnologies pour les unités d’infanterie (textiles intelligents, allégement des équipements, capteurs intégrés, micro-sources d’énergie) et souligne l’importance stratégique des start-up du CEA-Grenoble dans ce domaine : Apibio, Sofradir, Tronic’s, Paxitech.. .
Autre domaine porteur pour l’Armée : les biotechnologies. Là encore, le CEA-Grenoble joue un rôle central, que souligne une enquête publiée en février 2006 par le magazine S !lence . Sous le titre Lyon, Grenoble, les armes biologiques [20] , cette enquête décrit le potentiel militaire des biotechnologies pour la création d’armes ’’ethniques’’, ’’incapacitantes’’ ou des « armes de destruction massive si peu chère comparée aux armes chimiques ou à la bombe atomique » [21]. Aux États-Unis, des programmes sont menés en ce sens. En France, deux laboratoires travaillent en lien étroit avec le CEA-Grenoble sur ce sujet : le laboratoire P4 BioMérieux de Lyon et le laboratoire militaire CRSSA à La Tronche, avec tous les risques sanitaires et les risques de prolifération que cela implique. Officiellement, il s’agit de « trouver des parades à d’éventuelles attaques effectuées avec des armes de destruction massive » [22], comme l’a précisé la Ministre de la Défense. Un discours que nous sommes priés de croire sur parole. On retiendra cependant cette phrase d’un expert de la DGA : « il n’y a rien en biologie qui ne soit transposable sur le plan militaire. » [23]
Pour justifier l’injustifiable aux yeux de l’opinion publique, la lutte contre le terrorisme a pris le pas sur les menaces de la Guerre Froide. Ainsi, pour Michèle Alliot-Marie : « Aujourd’hui, la menace terroriste est globale et appelle une réponse globale. » Voilà pourquoi Jean-Claude Petit, directeur des programmes du CEA, « expliquait au reste de l’assistance, la recherche et la lutte contre le terrorisme NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique). Et l’implication du CEA dans [...] la surveillance des activités de prolifération et de terrorisme nucléaire. » [24]
Jean-Claude Petit devrait lire Affaires atomiques de Dominique Lorentz [25], journaliste iséroise. En matière de prolifération et de terrorisme nucléaire, il découvrirait la place de choix que le CEA occupe au palmarès mondial : son rôle dans la dissémination de l’arme nucléaire en Iran, en Irak, au Japon, en Chine, en Egypte, en Israël, en Afrique du Sud... ; son mépris du traité de non-prolifération ; son cynisme politique atteignant les plus hauts niveaux de l’État ; ou encore sa part de responsabilité dans les actions terroristes libanaises de 1985.
Pour définitivement ébranler sa vision angélique d’un CEA oeuvrant pour le Bien Public, nous conseillons à Jean-Claude Petit la lecture des travaux de Bruno Barillot sur les pollutions radioactives dues aux activités de la DAM, sur les victimes irradiées par les essais nucléaires français en Polynésie ou au Sahara [26], sur le scandale de l’uranium appauvri, sur les manipulations de l’opinion publique concernant les risques nucléaires. Ou, plus généralement, la cinquantaine d’ouvrages traitant des nuisances sociales, sanitaires et écologiques des applications militaires du CEA depuis sa création. [27] Il comprendrait sans doute d’où provient l’opposition à Minatec . Comment ne pas imaginer la reproduction d’un scénario semblable avec les nanotechnologies et les biotechnologies ?
Louis Néel
La liaison militaro-scientifique
Louis Néel, premier directeur du CEA-Grenoble (1956-1970), est considéré dans les publications locales comme le « Grand Homme » de la Ville, « l’initiateur du formidable développement scientifique grenoblois qu’il a impulsé du début des années 40 au début des années 70. » [28] Si les biographies insistent sur son charisme et ses talents de chercheur (Prix Nobel de Physique en 1970), une part du personnage reste rarement abordée : sa liaison étroite et constante avec l’Armée.
En septembre 1939, Louis Néel, physicien expert en magnétisme, étudie pour le CNRS Armées le potentiel militaire des universités scientifiques françaises. Cet ancien officier de marine remarque Grenoble. « J’avais été frappé par les succès que Flusin avait obtenus, pendant la Première Guerre Mondiale, en mettant au point la métallurgie du magnésium. » [29] C’est-à-dire par la mise au point des obus et des gaz de combat, l’une des spécialités de l’industrie grenobloise pendant la Grande Guerre.
En 1940, Louis Néel rejoint le Centre de Recherche de la Marine . Il est décoré de la Croix de Guerre avec palmes pour ses travaux sur la protection de la Flotte Française contre les mines magnétiques. Le Centre de Recherche ayant été dissous par l’Armistice, il rejoint l’ Institut Polytechnique de Grenoble où, de 1942 à 1953, il prend la direction du Laboratoire des Essais Mécaniques . Un laboratoire dont la survie dépend des contrats militaires. Jusqu’en 1944, en pleine occupation, alors que la résistance grenobloise bat son plein, Louis Néel continue ses recherches et dépose des brevets. « Que faut-il penser alors de la légende selon laquelle rien de bon en physique n’a été fait pendant l’occupation ? » remarque-t-il dans ses mémoires. Comme il « manque évidemment d’argent et de moyens, il se tourne vers l’industrie, Ugine, et vers l’armée -la marine- et c’est avec elles qu’il trouve des financements pour son laboratoire pendant la guerre. » [30] De 1944 à 1947, « la marine, avec ses contrats, fournit à peu près un tiers des crédits ; elle fournit aussi des hommes et des chercheurs allemands. »
En 1946, il crée le Laboratoire d’Electrostatique et de Physique du Métal , soutenu par de grands industriels locaux comme Merlin (matériel électrique, futur Schneider ) et Neyrpic (matériel hydraulique). A partir des années 50, sa carrière s’accélère. En 1950, le voilà membre du Directoire du CNRS . En 1953, il rentre à l’ Académie des Sciences . En 1954, il devient à la fois membre du Conseil de l’Enseignement Supérieur et Directeur de l’ Institut Polytechnique de Grenoble , poste qu’il occupera jusqu’en 1976.
En 1955, fort du succès de ses laboratoires et du prestige de l’ Institut Polytechnique de Grenoble , Louis Néel obtient de Pierre Guillaumat la création et la direction du CENG . Il restera à ce poste jusqu’en 1970. Pendant toute cette période, ses relations avec l’Armée seront étroites. De 1952 à 1976, il est Conseiller Scientifique de la Marine Nationale. De 1960 à 1980, il représente la France au comité scientifique de l’ Otan . De 1965 à 1980, il siège au Conseil d’Action Scientifique de la Défense (CASD), une instance qui permet au chef d’état-major général d’avoir « un contact avec les problèmes scientifiques et techniques du moment et une meilleure connaissance de la position des civils. » [31] A partir de 1973, il préside le Conseil Supérieur de la Sûreté Nucléaire . Enfin, à partir de 1983, il préside le Prix « Science et Défense » , destiné à récompenser « ceux qui auront contribué d’une manière éminente à l’avancement des sciences et des techniques dans les domaines intéressant la défense. » Selon le mathématicien Roger Godement, « il semble difficile de faire partie d’un tel jury sans être habilité au secret militaire. » [32]
Le parcours de Louis Néel illustre combien, dès ses origines, le CEA-Grenoble se situait au coeur de la liaison militaro-scientifique. [33]
"Sommes-nous des intellectuels ou des voyageurs de commerce ?"
Roger Godement, mathématicien
Lettre ouverte pour refuser une invitation à un colloque financé par l’ OTAN , 1971 [34]
La ’’source inépuisable d’innovation’’ que constitue la recherche publique grenobloise n’intéresse pas seulement l’Armée. Elle est également un stimulant de premier choix pour le milieu industriel. « Que les travaux menés dans les laboratoires universitaires ou les centres de recherche puissent avoir des débouchés dans l’industrie n’est bien sûr pas une préoccupation particulière aux chercheurs grenoblois. Encore que cette préoccupation fasse partie d’une certaine ’’culture grenobloise’’. » [35] Un ’’modèle’’ cité en exemple dans les ouvrages spécialisés, sujet de fierté pour la presse économique locale. [36]
En matière de lien recherche-industrie, « le CEA-Grenoble est, sans contexte, l’établissement dont les relations avec le milieu industriel sont les plus développées. » [37] Un objectif clairement assumé qui figure en première page de son site internet : « Des piles à combustibles aux nanomachines, en passant par les matériaux et les biopuces, le CEA-Grenoble est à la pointe de la recherche technologique et participe activement au transfert de ces connaissances vers l’industrie. » [38]
« Lien fécond », « cercle vertueux », « synergie féconde », « synergie inventive » , les publications du CEA-Grenoble rivalisent d’inventivité pour exprimer tous les bienfaits du transfert de la recherche publique vers le secteur privé. Aujourd’hui, le bon chercheur est celui qui a « comme réflexe de penser ’’brevets’’ avant de penser ’’publications’’ » [39] , qui anticipe les applications industrielles de ses recherches. Le couronnement de cet ’’esprit de manager’’ ? La création d’une start-up, processus qualifié d’ « essaimage » ou de « valorisation ».
Pour encourager la création d’entreprises, le CEA-Grenoble a mis en place différents mécanismes de soutien. A commencer par ASTEC , Aire de Service pour le Transfert. Créée en 1985, cette « pépinière d’entreprises » a lancées 120 sociétés en quinze ans d’activités [40]. Citons également le CEA-Valorisation. Il s’agit d’une structure de capital-risque qui devient actionnaire des start-up des ses laboratoires. Le CEA-Grenoble participe également à GRAIN , Grenoble Alpes Incubation, créé à la suite de la loi sur l’Innovation [41]. Mais aussi à EMERTEC , fonds de soutien portés par l’INPG et l’Aérospatiale. Citons enfin la participation du CEA-Grenoble à Biopolis. Ce projet de 6 millions d’euros, financé par les collectivités locales, vise à encourager la création de start-up en biotechnologies.
Et ça marche. « Depuis 1975, 26 entreprises ont été créées à partir des technologies développées au CEA-Grenoble. » [42] Dans cette course à l’essaimage, le fer de lance est sans conteste le CEA-Léti. Ce laboratoire spécialisé en micro-électronique « a déposé en 2000 près de 120 brevets, soit environ 90% de l’ensemble des brevets du CEA-Grenoble. » [43] Au total, les start-up du CEA emploient plus d’un millier de personnes.
« Parmi ces start-up, seuls deux d’entre elles, Sofradir et Soitec, dépassent la centaine de salariés et se situent parmi les cent premières entreprises de la région grenobloise. » [44] Mais la plus grande fierté du CEA-Grenoble reste EFCIS . Essaimée du CEA-Léti en 1975, elle est ensuite rachetée par Thomson qui fusionne avec l’italien SGS pour créer STMicroelectronics en 1987. Le CEA-Léti continue cependant de pourvoir son rejeton en nouvelles technologies. Des transferts qui persistent aujourd’hui que STMicro est devenu le troisième fabricant de semi-conducteurs au monde.
Le point commun de ces start-up ? La course aux bio et nanotechnologies. Un ’’nouvel eldorado’’ ! « Pour preuve, le marché mondial des nanobiotechnologies est estimé par les cabinets de consultants à 1 milliards d’euros en 2005, avec une croissance de 16 à 25% par an pour les biopuces », nous explique Jean Therme. [45]
Une course qui, pour le CEA-Grenoble , ne passe pas seulement par la création de start-up, mais également par la mise en place d’accords contractuels avec d’autres entreprises ou la participation à de grands projets industriels. Si Minatec est le plus connu, il n’est pas le seul. Citons Minalogic , projet piloté -entre autres- par le CEA-Grenoble et qui fait partie des six pôles de compétitivité mondiaux désignés par le gouvernement en juillet 2005. Ou Nanotec 300 , un investissement de 300 millions d’euros en partenariat avec l’ Alliance ( ST, Philips, Motorola ) et le CEA-Léti . Ou encore Nanobio , pôle de compétences en nanobiotechnologies. Ce projet de 46 millions d’euros financés par les collectivités locales [46] est lui-même coordonné depuis 2004 avec Nano2life , plate-forme européenne qui vise à « développer la recherche et le transfert d’innovation dans le domaine des nanotechnologies appliquées au secteur de la biologie et de la santé » [47] . Le CEA-Léti développe enfin des alliances avec Axalto, Freescale, Flexidis , etc. C’est bien simple, le CEA est partout.
Cette intense activité de transfert public/privé s’explique en partie par des besoins budgétaires. Si les subventions pour les applications militaires du CEA sont en hausse, « la baisse des subventions de l’État pour le secteur civil depuis 2001 a obligé le CEA à multiplier les financements extérieurs avec l’Europe, les régions et les entreprises. » [48] Dans cette course aux financements privés, le meilleur élève du CEA est sans conteste Jean Therme, également directeur depuis 2003 de « la DRT (direction de la recherche technologique) [l’un des 5 pôles nationaux du CEA] , qui, riche de plus de 200 partenariats industriels, ne dépend plus de la subvention du CEA qu’à hauteur de 30%. »
Le désengagement croissant de l’État dans la recherche civile signifie-t-il à terme la privatisation de certains secteurs du CEA , comme le CEA-Léti ? « Jean Therme se défend de toute velléité de sécession : ’’La question s’est posée, il est vrai, de sortir le Léti du CEA, mais j’y ai toujours été opposé : sans lui, le Léti n’en serait pas là !’’ » En attendant, les syndicalistes du CEA commencent à se plaindre : « Les chercheurs se plaignent de passer leur temps à chercher des fonds ! » [49]
Mais au fait, tout ça pour produire quoi ?
« Des objets et services futuristes qui révolutionneront notre quotidien » [50] , s’enthousiasme Michel Ida, directeur d’ Idea’s Lab , un laboratoire déjà installé à Minatec. Citons quelques-unes des applications élaborées dans des labos ou start-up du CEA : des plaques de silicium pour Playstation 3, X-Box, TV haute définition, montre sans pile, home cinéma, PC portables ( Soitec ), des écrans enroulables ( Flexidis ), des stylos intelligents, des animaux domestiques numériques ( Tronic’s ), des disques durs de grande mémoire ( Spintec ), des ordinateurs miniatures ( LEM ), la vision infrarouge pour l’aide à la conduite automobile ( Sofradir ), des outils miniaturisés (biopuces, laboratoires sur puces, biocapteurs...) pour le diagnostic médical, les contrôles alimentaires, l’analyse bactérienne de l’eau ( Apibio, Nano2life ), des meilleures plaques de silicium pour l’électronique ( Nanotec300 ) [51]...
Nous pourrions allonger cette liste. Pour leurs promoteurs industriels, les technologies convergentes (biotechnologies, nanotechnologies, informatique) constituent une “révolution technologique”. On nous promet des avancées spectaculaires dans tous les domaines : ordinateurs encore plus performants, écrans encore plus plats, téléphones encore plus multimédias, prothèses bioniques, écharpes interactives, tissus anti-tâches, verres auto nettoyants, décors d’ambiance (dispositif permettant par exemple de changer en un seul clic les motifs de votre tapisserie), frigos communicants (qui, reliés à un ordinateur, avertissent automatiquement lorsque un produit manque et le commandent directement sur Internet). Bref, une myriade de gadgets électroniques qui rempliront les magasins de demain.
Et qui participeront à alimenter la guerre économique mondialisée que se livrent les multinationales. Car la course à la croissance passe par l’augmentation de la consommation, elle-même liée à la création de nouveaux besoins. Un domaine dans lequel la Recherche & Développement constitue un facteur de compétitivité primordial. Dopant de l’industrie, le CEA-Grenoble nous offre ainsi le vrai visage de la recherche scientifique moderne, liée organiquement à la société industrielle qu’elle alimente en innovations.
Cette participation active de la recherche publique dans la course au high tech suscite l’enthousiasme des élus locaux, selon une équation servie à toutes les sauces : recherche technologique = innovation = compétitivité = croissance = emploi. « A travers [l’innovation] apparaît le développement des activités économiques qui génère lui-même des emplois pour l’ensemble de nos concitoyens. Il y a là une véritable mine d’or, prenons-en conscience. [52] » L’homme qui parle ainsi se nomme Michel Destot, député-maire PS de Grenoble depuis 1995. Il faut dire qu’en matière d’emploi, d’innovation et de mine d’or, cet ancien ingénieur du CEA possède une certaine expérience... (cf. encadré en fin de chapitre 2)
Dans une société de chômage et de précarité, le chantage à l’emploi permet de justifier tous les injustifiables. Un chantage qui occulte les questions fondamentales : quels emplois ? Pour produire quoi ? Dans quelles conditions ? Avec quelles conséquences sociales, sanitaires et écologiques ? Au profit de qui ? Pour quelle utilité sociale ? [53]
Corys, la mine d’or
L’essaimage raté de Michel Destot
« Il faut créer un véritable goût d’entreprendre »
Michel Destot, Dauphiné Libéré , 13/03/2000
En 1989, Michel Destot fonde la société Corys , dont il est PDG et actionnaire jusqu’en 1995. Cette start-up de 140 salariés est le fruit de la privatisation d’une activité née au CEA-Grenoble autour de la direction du réacteur nucléaire Siloëtte, dont Michel Destot était le responsable d’exploitation de 1976 à 1988. L’activité de Corys ? Fabriquer des simulateurs industriels, par exemple pour la conduite de centrales nucléaires.
Deux mois avant les élections municipales de 1995, Michel Destot démissionne de son poste de PDG et confie la direction à son bras droit, Jean-François Musso, tout en gardant des actions. Deux ans plus tard, avec 18 millions d’euros de perte, Corys dépose son bilan. Le SRPJ de Lyon enquête sur cette faillite retentissante et, en 2000, Jean-François Musso passe en correctionnelle pour comptes maquillés, subventions européennes détournées, fonds indûment versés à d’anciens associés, etc. La présidente du tribunal s’étonne : « On naviguait à vue dans cette société. Vos notions de gestion étaient défaillantes. »
Entre-temps, le tribunal de commerce a approuvé en 1997 la vente de Corys à la société belge TRACTEBEL , filiale de la Lyonnaise des Eaux . Cette même Lyonnaise à qui l’ancien maire de Grenoble, Alain Carignon, avait bradé le service des eaux de Grenoble dans des conditions qui lui valurent plus de 2,8 millions d’euros d’avantages divers et cinq années derrière les barreaux [54]. Notons que TRACTEBEL sera ensuite impliquée dans différents dossiers de corruption ou de blanchiment d’argent en Suisse et en Belgique. [55]
Fait marquant, la Police Judiciaire choisit d’enquêter sur CORYS depuis le départ de Michel Destot, le mettant ainsi d’emblée hors de cause dans la faillite foudroyante qui avait suivi ce départ. Notons également que le premier septembre 1998, l’un des deux enquêteurs, Sydney Ziméro, quitte son service de police pour être recruté au cabinet... du Maire de Grenoble, où il est chargé des relations avec les Renseignements Généraux et la sécurité publique. [56] Il rejoint d’autres membres de la ’’famille CORYS ’’ à la mairie de Grenoble. Geneviève Fioraso, directrice commerciale, devenue adjointe du Maire en charge de l’économie. Stéphane Siebert, administrateur, devenu Directeur Général de la Ville (chef de l’administration municipale). Alain Fémeau, Directeur financier, qui a pris la direction de la compagnie de chauffage de la Ville.
Les mauvais esprits feront le rapprochement entre l’essaimage raté de Corys et ces déclarations de Michel Destot : « Il nous faut du pognon et des patrons. » [57], ou de ce véritable cri du coeur de Geneviève Fioraso au conseil municipal : « Il y en a un peu marre. Le marché, c’est pas sale ! » [58]
« Tous les élus nous aident et nous relaient à Paris. »Jean Therme, Directeur du CEA-Grenoble
Le Monde , 25-26/02/01« Je ne suis pas un homme de pouvoir. »
Le même, deux mois plus tôt
L’essentiel de Grenoble et de l’Isère , 03/01/01
La recherche publique grenobloise n’est pas la seule à servir l’Industrie et l’Armée. Les élus s’y emploient tout aussi activement. La course aux bio et nanotechnologies est copieusement soutenue par l’État et les collectivités locales. Près d’un milliard d’euros de subventions arrosent Minatec , Crolles 2 , Nanobio, Minalogic, Biopolis, Sofradir, Soitec et la myriade de projets qui gravitent autour du CEA-Grenoble .
En septembre 2005, le sociologue Pierre-Benoît Joly -s’inspirant des travaux du groupe Pièces et Main d’Oeuvre- nous a livré des éléments essentiels pour comprendre cette situation. Dans un rapport remis à la Métro [59], ce chercheur de l’ INRA décrit le « ’’système grenoblois’’ : le choix du développement par les "high tech" est ancien et profondément ancré dans la culture de l’élite grenobloise ; les élites politiques, économiques et académiques fonctionnent en réseau informel, avec divers et multiples lieux d’échange et de rencontre (sans qu’il soit d’ailleurs aisé d’en avoir une approche globale). »
Dans le même rapport, la Fondation Sciences Citoyennes enfonce le clou : « Nous avons été frappés par le ’’mode grenoblois’’ de décision politique, qui se caractérise par le poids d’un cercle restreint réunissant élite scientifique, industrielle et politique (dont les membres mélangent dans leurs parcours ces différentes casquettes) et qui promeuvent un scénario du développement local par la haute technologie (’’Silicon Valley grenoblois’’). Ce cercle participe au montage des projets nanotechnologiques, à leurs évaluations et aux décisions de financements. » [60]
Dans ce cercle, le CEA-Grenoble a toujours occupé une place de choix. A commencer par la mairie de Grenoble. En 1965, Hubert Dubedout, chercheur au CENG et adjoint de Louis Néel chargé des relations extérieures, est élu maire de la Ville. Il le restera jusqu’en 1983. En 1977, Hubert Dubedout nomme Michel Destot, jeune ingénieur du CENG , adjoint chargé de la communication municipale. En 1995, ce dernier devient à son tour maire de Grenoble.
En 1979, le seul département de recherche fondamentale du CENG regroupe : le Président de l’Agence d’Urbanisme de l’Agglomération Grenobloise, le président du plus important centre socio-culturel de la ville, la vice-présidente de la Maison de la Culture, le fondateur du Centre Culturel Scientifique, par ailleurs premier adjoint au maire de Meylan, le fondateur de la Maison médicale du quartier de La Villeneuve et ancien adjoint de Dubedout, et le Président-Fondateur de l’Association de défense des transports en commun. [61] La mairie de Meylan compte trois chercheurs, dont deux du CENG à sa tête. Ce sont eux qui en 1972, inaugurent la fameuse ZIRST (Zone pour l’Innovation et les Réalisations Scientifiques et Techniques), technopôle destinée à développer les technologies de pointe et la « synergie recherche-industrie ». Citons également Georges Bescher, maire de La Terrasse, ancien ingénieur du CEA-Léti . Ou Daniel Zenatti, ancien patron de Sofradir , maire de Veurey depuis 1989, vice-président de la Métro.
Les hommes du CEA vantent évidemment les mérites du nucléaire. En septembre 1976, Louis Néel intervient au conseil général de l’Isère pour soutenir l’implantation de SuperPhénix à Malville. Il met en évidence les accidents dans les centrales classiques, fonctionnant au charbon ou au pétrole, qui font des morts réels alors que « les morts par plutonium, dont on vous a parlé jusqu’ici, sont des morts potentiels. » [62] Deux ans plus tard, le maire Dubedout propose le projet Thermos , de « centrale nucléaire domestique » , pour alimenter le chauffage de Grenoble. Deux décennies plus tard, le député-maire Destot explique à l’assemblée nationale que « ...dans un pays comme la France, dépourvu de ressources énergétiques propres, le nucléaire reste une source d’énergie incontournable. » Voilà pourquoi il fait voter une augmentation de budget de 3,9 % au CEA pour atteindre 6,02 milliards de francs en 2001. [63] Un an plus tard, il rétorque aux contestataires des biotechnologies : « Fallait-il rejeter le nucléaire, parce qu’il peut être employé à des fins militaires ? » [64]
Cette liaison Pouvoir-Recherche-Armée-Industrie trouve son apogée -provisoire- avec Minatec . Initié par le CEA-Grenoble en 1998, rendu public en 2000, ce projet n’a fait l’objet d’aucun débat public, d’aucune évaluation de ses conséquences sanitaires et écologiques. Près de 75% des 190 millions d’euros d’investissement sont des fonds publics, le maître d’ouvrage étant le Conseil Général de l’Isère. Mais les bénéficiaires sont avant tout l’Armée et l’industrie.
A la signature du projet, Michel Destot pouvait se féliciter de « ce que nous avons commencé à imaginer il y a quelques années avec Jean Therme et Geneviève Fioraso [adjointe du maire en charge de l’innovation] , ait si rapidement trouvé sa traduction concrète. » [65] Un an plus tôt, le Directeur du CEA-Grenoble se félicitait de l’étendue de son influence : « Tous les élus nous aident et nous relaient à Paris. » [66] Il faut dire qu’à Grenoble, « les élus ont été vaccinés à la high-tech. Cela permet d’avancer plus vite et d’éviter de se poser des questions métaphysiques » [67] , nous explique François Brottes, député PS du Grésivaudan, maire de Crolles. Malgré ces évidences, Jean Therme ose déclarer : « Je ne suis pas un homme de pouvoir. » [68]
Le pouvoir du CEA-Grenoble et son allégeance à l’Industrie irritent parfois. En mai 2000, Yves Michnik, patron d’ Innocable , s’emporte : « Je trouve injuste que le CEA paie des chercheurs qui mettent au point une technologie avec des fonds publics et qui ensuite exploitent cette technologie dans le privé en monopolisant les subventions publiques ! En plus s’ils échouent, ces soi-disant créateurs d’entreprises sont assurés de retrouver leur travail au CEA pendant trois ans. » . [69]
Yves Michnick n’est pas le seul à s’insurger. Certains élus plus réticents que d’autres dénoncent de temps à autre le transfert de fonds publics vers le privé. En témoigne cette scène au Conseil Général de l’Isère lors du vote d’une subvention de 300 000 euros pour la cérémonie inaugurale de Minatec : « Essayez d’aller dire, dans un canton, qu’on va dépenser 4 millions [de francs] à boire des canons ! » proteste André Gillet (Divers droite). Offusqué, le président PS du Conseil Général, André Vallini, perd son sang-froid : « Eh bien monsieur Gillet, on mettra du kir au vin blanc et un ruban bleu blanc rouge, et on recevra le président de la République comme ça ! » [70]
300 000 euros représentent 25 ans de salaire d’un Smicard. Et combien de bouteilles de champagne au frais des Isérois ?
Même situation quand le Conseil Général de l’Isère vote une subvention de 750 000 euros à Soitec , start-up du CEA-Léti : « Pourquoi faut-il financer, sur l’argent du conseil général, un projet qui a très largement les moyens de se financer par lui-même », demande Olivier Bertrand (Les Verts), « alors que la quasi totalité de nos budgets, notamment sociaux et culturels, sont en baisse et que nous sommes en train de faire marche arrière sur des grands projets de transports publics comme Ysis ? » « Le département ne devrait pas seulement être un tiroir-caisse », ajoute André Colomb-Bouvard (PS).
La réponse d’André Vallini en dit long sur la politique du Conseil Général de l’Isère : « Lorsqu’il s’est agi de voter 51 millions d’euros pour l’Alliance [Crolles 2] , on a débattu moins longtemps que pour Soitec. » [71]
Dernière folie du ’’techno-gratin’’ Dauphinois : faire de Grenoble le coeur d’une ’’Silicon Valley’’ européenne, une continuité urbaine qui s’étendrait de Lyon à Genève. Depuis quatre ans, les conseils généraux de Haute-Savoie, Savoie, Isère et depuis peu de la Drôme, tiennent de discrètes réunions sur ce projet visant notamment à « mettre la puissance de la recherche publique et privée au service des entreprises. » [72]
Là encore, le CEA-Grenoble est au coeur de ce projet. Un rêve que Jean Therme résume ainsi : « Les métropoles économiques à grands potentiels de développement sont repérées de nuit par les investisseurs, grâce aux images fournies par les satellites, sinon en vue directe, depuis un avion. Plus ces villes sont lumineuses, plus ils sont intéressés ! Lorsque le ruban technologique de l’arc alpin, entre ses barycentres constitués par Genève et Grenoble, s’illuminera d’une manière continue, lorsque les pointillés des pôles de compétence comme les biotechnologies de Lausanne, la physique et l’informatique du CERN à Genève, la mécatronique d’Annecy, l’énergie solaire de Chambéry et les nanotechnologies de Grenoble ne formeront plus qu’une longue colonne vertébrale, nous aurons gagné. » [73]
Jean Therme
L’homme ’’qui n’y est pour rien’’
C’était un beau dimanche des années 1990. « Je prenais tranquillement le café avec ma femme, lorsque soudain j’ai eu une vision : réaliser un grand centre de développement des micro et nanotechnologies à Grenoble. » [74]
La suite, on la connaît : l’accord emballé de ces collègues du CEA , des autres industriels et des élus ; le lancement du projet Minatec en 1998, ; le vote de la Métro en 2001 ; le déblocage de dizaines de millions d’euros par les collectivités publiques ; le chantier-éclair ; et enfin l’inauguration ’’internationale’’ prévue pour le 1er juin 2006. C’est ce qui s’appelle une vision lumineuse.
Jean Therme, ingénieur INPG, a fait carrière dans le complexe militaro-industriel ( Philips, Alcatel, Thomson CSF, Thomson SCA, Thomson Semi-conducteur, SGS-Thomson ). En 1992, il devient chef du département de micro-électronique du CEA-Léti, « introduit par son mentor Marc Lassus » [75], le fondateur de Gemplus , fabricant de cartes à puce et de papiers d’identité biométrique. En 2000, il prend la tête du CEA-Grenoble , puis de la Direction de la Recherche Technologique en 2003. Depuis 2002, il fait partie de l’ Académie des Technologies, haut lieu de la croissance high tech.
Face à la contestation du projet Minatec et des ’’nécrotechnologies’’, Jean Therme joue les incrédules : « Je déplore que les Américains aient mis au point un système mondial d’espionnage électronique et que l’on exporte les déchets informatiques, mais je n’y suis pour rien. » [76] Comme si Minatec n’allait pas produire des systèmes d’espionnage ou des déchets informatiques.... Même réaction concernant la toxicité des nanoparticules. « Au niveau médical, les assureurs pourraient varier leurs tarifs si vous avez ou non sous la peau des puces de diagnostic précoce. Des personnes peuvent estimer que cela va à l’encontre de leur vie privée, qu’on pourrait les pister à distance. On peut aussi se demander comment se comporteront les nanoparticules dans l’environnement. Ce n’est pas au scientifique de répondre à ces questions, mais au citoyen. » [77] Comme si le citoyen avait eu son mot à dire dans la décision de construire Minatec ...
« pour faire accepter les technologies de surveillance et de contrôle, il faudra probablement recourir à la persuasion et à la réglementation en démontrant l’apport de ces technologies à la sérénité des populations et en minimisant la gêne occasionnée. »Gixel , lobby de l’électronique dont est membre le CEA-Léti
extrait du Livre Bleu , juillet 2004
Les technologies convergentes [78] rendent possible de nouveaux outils de contrôle social d’une puissance inégalée dans l’histoire humaine. Vidéosurveillance ’’intelligente’’, biométrie, micro-étiquettes électroniques, nanocaméras... Vers ces technologies convergent de puissants intérêts financiers et politiques. Pour l’État, c’est la promesse d’innovations inouïes en terme de contrôle social ; pour l’Industrie, la perspective de profits mirifiques ; pour la Recherche, une fructueuse source de financements.
Dans cette course au tout sécuritaire, le CEA-Grenoble et ses start-up jouent un rôle de premier plan, ce que Michèle Alliot-Marie n’a pas manqué de souligner lors de sa visite grenobloise : « Tous nos investissements n’ont qu’un objectif, nous préparer contre les nouvelles menaces et répondre aux attentes des Français en matière de sécurité. [...] à travers Minatec et Minalogic, la Défense entend rester à l’écoute de la recherche civile. St Micro, Radiall, Soitec ont un potentiel important pour l’équipement de nos forces et la sécurité de nos concitoyens » [79]
Principal domaine visé : les ’’Radio Frequency Identification Devices’’ (RFID). Ces systèmes permettent à des puces de communiquer à distance les informations qu’elles contiennent. Remplaçant les codes barres dans la grande distribution, les RFID seront bientôt introduits dans tous les biens de consommation pour recueillir et stocker des millions de données (date d’achat, trajet parcouru, temps de parcours, etc.). [80] D’après les études des cabinets spécialisés, le marché RFID doit exploser à partir de 2006, avec des prévisions atteignant 10 à 20 milliards d’objets pucés en 2008 [81].
La place de Grenoble dans le développement de ces ’’mouchards électroniques’’ ? « Le devenir des RFID est au cœur de Minalogic », proclame Le Dauphiné Libéré [82], « rendre intelligents et communicants de nombreux objets de la vie quotidienne. C’est l’objectif de Minalogic. » [83] renchérit Isère magazine. Le CEA-Léti , pilote du projet, travaille déjà sur « des techniques d’impression en phase liquide [...] des circuits électroniques de la puce RFID » [84] .
Autre domaine porteur : la vidéosurveillance ’’intelligente’’. Il s’agit de concevoir des caméras de plus en plus miniaturisées, capables de reconnaître automatiquement des visages ou des comportements. Cette technologie a valu au CEA-Léti une nomination aux Big Brother Awards 2001 [85], un prix qui récompense les initiatives les plus liberticides de l’année. Le prix récompensait Prismatica , un projet développé par la RATP et le CEA-Léti . Objectif ? Transmettre en direct par spectre radio les images de vidéosurveillance sur un réseau de transport, et automatiser la détection des "situations anormales". Autrement dit, confier à la technologie le diagnostic final, en fonction d’une modélisation préalable, des comportements dits "normaux" et de ceux jugés "anormaux". A rapprocher du projet de loi sur « la prévention de la délinquance » préparé par le gouvernement, qui s’inspire d’une étude de l’INSERM sur dépistage du « trouble des conduites » chez l’enfant dès le plus jeune âge [86].
En matière de détection automatique, retenons également cette offre de stage du CEA Fontenay-Aux-Roses , trouvée sur internet : « Suite à des travaux de détection de visages, de reconnaissance de visages, et d’extraction de connaissances, le laboratoire souhaite s’intéresser à la détection et la reconnaissance d’émotions (joie, tristesse, peur, etc.) à partir d’images de visages. » Notons enfin que l’entreprise grenobloise spécialisée dans la biométrie et les microcaméras, Atmel, est dirigée par Jean Vaylet, un ancien du CEA-Léti . [87]
Mais au fait, où est le problème ? Le contrôle social n’est pas une nouveauté dans notre société, non ? La vidéosurveillance est déjà en place dans de nombreux lieux publics. Les RFID sont déjà installés dans la carte Avan’Tag des transports publics grenoblois, ou dans les péages sans contact des autoroutes. La carte bleue permet déjà un certain contrôle de nos déplacements et de nos achats. De plus, si nous n’avons rien à nous reprocher , les outils de contrôle social ne nous concernent pas.
Qui décide de ce que nous avons à nous reprocher ? Faut-il absolument commettre des actes délictueux pour subir les foudres de la répression ? Parfois il suffit d’exister. En octobre 1940, les Juifs résidant en zone occupée française reçoivent l’ordre d’apposer la mention "Juif" sur leur carte d’identité. En mai 1942, c’est le port de l’étoile jaune qui devient obligatoire. Gageons qu’une grande majorité de citoyens juifs a accueilli cette nouvelle sans grande inquiétude. Après tout, ces gens n’avaient rien à se reprocher : ils sont allés s’inscrire et ont cousu eux-mêmes leur étoile jaune sur leur veste. Puis, du jour au lendemain, c’est leur existence qui est devenue criminelle.
Cette référence au régime de Vichy semble abusive ? Elle rappelle combien nous sommes à la merci de l’État, combien des outils de fichage tels que la vidéo-surveillance intelligente, les RFID ou la biométrie peuvent décupler son efficacité. Si, en 1940, les autorités de Vichy ou d’Occupation avaient eu à leur disposition de tels outils, combien de Juifs auraient réchappé ? Les résistants auraient-ils pu fabriquer tant de faux papiers avec le passeport biométrique et infalsifiable ? Ce n’est pas un hasard si la carte d’identité, outil de contrôle social par excellence, a été généralisée par Pétain. [88] Comme la biométrie ou la vidéo-surveillance, elle jalonne le chemin vers une société totalitaire. [89]
Quand le gouvernement aura mis en place un fichier de police comportant les données biométriques de chaque personne ’’n’ayant rien à se reprocher’’, quand des caméras permettront de reconnaître et de tracer chaque Grenoblois, quelle possibilité de résistance restera-t-il face à des décisions injustes ou contraires à la dignité humaine ? Comment pourrons-nous réagir lorsqu’une nouvelle catégorie de personnes, fichées et encartées, sera stigmatisée ? Comment pourrons-nous désobéir à des lois que nous jugerons liberticides ? Comment pourrons-nous résister à la toute-puissance de l’État et des entreprises ?
Une fois généralisées, ces technologies nous habitueront au contrôle et à la surveillance permanente. Pour les nouvelles générations qui auront grandi dans un tel univers, le contrôle permanent sera vécu comme une normalité. Les dangers de toute transgression des règles existantes seront intériorisés.
Enfin, il convient de relier ces nouvelles technologies de contrôle social avec le projet de société qui l’accompagne. A qui profitent ces nouvelles technologies ? Dans quel but sont-elles développées ? Qui les contrôle ? Si les technologies ne font que refléter des projets de société, il convient de les connaître.
Ce projet de société, nous en avons eu un aperçu en juillet 2004 dans Le Livre Bleu , remis au gouvernement français par le GIXEL , un groupe de pression rassemblant une cinquantaine d’industries de l’électronique dont le CEA-Léti, EADS, THALES, 3M . Voici un extrait du sous-chapitre ’’acceptation de la population’’ :
« La sécurité est très souvent vécue dans nos sociétés démocratiques comme une atteinte aux libertés individuelles. Il faut donc faire accepter par la population les technologies utilisées et parmi celles-ci la biométrie, la vidéosurveillance et les contrôles. Plusieurs méthodes devront être développées par les pouvoirs publics et les industriels pour faire accepter la biométrie. Elles devront être accompagnées d’un effort de convivialité par une reconnaissance de la personne et par l’apport de fonctionnalités attrayantes :
– Éducation dès l’école maternelle, les enfants utilisent cette technologie pour rentrer dans l’école, en sortir, déjeuner à la cantine, et les parents ou leurs représentants s’identifieront pour aller chercher les enfants.
– Introduction dans des biens de consommation, de confort ou des jeux : téléphone portable, ordinateur, voiture, domotique, jeux vidéo.
– Développer les services « cardless » à la banque, au supermarché, dans les transports, pour l’accès Internet, ...
La même approche ne peut pas être prise pour faire accepter les technologies de surveillance et de contrôle, il faudra probablement recourir à la persuasion et à la réglementation en démontrant l’apport de ces technologies à la sérénité des populations et en minimisant la gêne occasionnée. » [90]
Utiliser des « fonctionnalités attrayantes » pour faire accepter à la population des technologies de surveillance et de contrôle ? Il fallait y penser.
Pour réussir cette manipulation de l’opinion publique, le CEA-Léti peut compter sur Idea’s Lab , ’’Interactive Devices for Emerging Applications and Services Laboratory’’. Idea’s Lab est un "laboratoire d’idées" créé en 2002 par le CEA-Léti, STMicroelectronics, France Telecom et Hewlett Packard pour concevoir des objets communicants et leurs services associés. « Cette structure pluridisciplinaire inédite en Europe fera travailler ensemble des créatifs (designers, artistes), des experts en sciences humaines (sociologues, anthropologues), des spécialistes des logiciels, de la micro-électronique, des microsystèmes, mais aussi des opérateurs, des industriels ou de futurs utilisateurs de ces objets communicants." [91]
Objectif ? Imaginer la « conception d’objets et de services futuristes qui révolutionneront notre quotidien, tout comme l’a fait le téléphone portable. [...] Le tout sera de trouver l’objet qui séduira le grand public. » [92] Parmi les applications censées ’’révolutionner notre quotidien’’ : balançoire virtuelle, stylo communicant, jeux sur pocket PC et mobiles, microcapteurs autonomes, commerce électronique, vêtements communicants, navigation dans des mondes en 3D, clones virtuels, mais aussi détecteurs biométriques, étiquettes à radiofréquence [93], etc. Une liste à rapprocher de la déclaration de Michel Ida, directeur d’ Idea’s Lab , en 2001 : « Mon objectif est de mettre les sciences au service du progrès de l’humanité et non pas l’inverse. » [94]
On connaissait l’importance de la propagande (publicité, marketing, communication, relations publiques, sponsoring, lobbying) pour dopper la consommation de produits. L’ Idea’s Lab illustre l’intervention croissante des sciences humaines, avant même la conception du produit, pour vendre aux "gens" toutes sortes de produits dont ils ignoraient le besoin. Et qui permettent, ce faisant, d’habituer la population aux nouveaux outils de surveillance.
Faire accepter la haute technologie
La ’’com’’ du CEA
« ...peu de Grenoblois savent réellement ce qui se fait au CENG et apprécient sa véritable influence dans le développement de la ville. Il n’existe aucun document public d’analyse du rôle que le CENG a joué et continue de jouer sur Grenoble. » [95]
Ce constat de Michel Bernardy de Sigoyer et Pierre Boisgontier, chercheurs en sciences sociales, date de 1988. Mais il est toujours d’actualité. Comment sont décidés les sujets de recherche ? Selon quels critères ? Qui profite des applications développées ? Quelles en sont les conséquences sociales et écologiques ? Pour le ’’simple citoyen’’, répondre précisément à ce genre de questions relève du parcours du combattant. Le CEA-Grenoble , organisme de recherche publique, est une structure opaque, clôturée, surveillée en permanence. Une ’’zone interdite’’ au coeur de la ville, dont nombre d’activités sont classées « secret-défense ».
Cette opacité, même le directeur de la communication du CEA la reconnaît : « Ce que les médias disent et montrent du CEA est un double enjeu pour notre organisme. D’abord parce que c’est le premier et souvent le seul moyen pour le public, donc les contribuables, de savoir ce que nous faisons de l’argent qui nous est confié. [C’est nous qui soulignons] Ensuite parce que l’image du CEA produite par les médias touche aussi les décideurs. » [96]
Et comment produire une bonne image du CEA auprès du public et des décideurs ? « Communiquer, toujours » , nous explique Jean Therme : « La haute technologie ne peut progresser que si elle est acceptée donc comprise par la société : OGM, biotechnologies... » [97]
Le Directeur du CEA-Grenoble dévoile ici sa vision de la contestation. Ceux qui n’acceptent pas les OGM sont ceux qui n’ont pas compris les OGM. Les dimensions politiques, morales et scientifiques de l’opposition ? Une affaire d’incompréhension bien sûr ! voilà qui ravira les 5000 faucheurs volontaires d’OGM [98] et les 78% de français qui souhaitent une interdiction temporaire des OGM afin d’évaluer précisément leurs impacts sanitaires et environnementaux. [99]
Eviter le ’’scénario OGM’’ avec les nanotechnologies, telle est justement l’une des préoccupations majeures du CEA . Une préoccupation dont le maître-mot est « faire accepter » , une expression récurrente dans les publications consacrées aux nanos. « Une communication claire, objective et pragmatique devra aussi être développée pour faire accepter les nanotechnologies aussi bien par les industriels que le grand public ». [100]
Une telle démarche suppose d’occuper le champ médiatique. Pour les chercheurs qui doutent de leurs capacités en communication, le Service Information-média du CEA leur propose des séances de « média-training ». Des professionnels de la communication lui apprendront que face aux journalistes, « il ne s’agit pas de raisonner mais de vulgariser, à l’aide de comparaisons ou d’images évocatrices pour les non-initiés. » [101] C’est bien connu, la population est juste bonne à écouter des ’’spots de com’’, des discours simplistes glorifiant la recherche scientifique.
La même démarche guide les dossiers de presse que les agences de communication du CEA ou de ses start-ups concoctent pour la presse locale. Ces dossiers sont repris sans recul critique par les médias locaux tels que le Dauphiné Libéré et Présences [102] , pour qui le CEA , les industries et les collectivités locales constituent une source inépuisable de financements publicitaires. Voilà pourquoi ils véhiculent une vision lénifiante et naïve de la recherche scientifique, occultant ses implications éthiques, militaires, écologiques et sociales.
Un seul exemple, celui de l’inauguration de la deuxième usine Soitec à Bernin en 2002. On nous parle de ces « colossales baies vitrées qui reflètent les falaises de la Dent de Crolles », des « plusieurs milliers de personnes » qui se pressaient « à l’inauguration en musique de Soitec-Bernin II » des « nombreuses personnalités des mondes politique, économique, et des chercheurs venus du monde entier » , du « bref spectacle de haute voltige » marquant « l’instant attendu au cours duquel le ruban géant fut symboliquement coupé . » On se félicite de « l’esprit dans la matière » , des 350 millions d’euros qu’auront coûté les deux sites, « impressionnant ». On nous présente Francis, « l’opérateur heureux » , « qui ne quitte la salle blanche que pour aller...roller ! » [103] Bref on parle de tout, sauf des nuisances sociales et écologiques de l’industrie des semi-conducteurs, encore moins de ses implications militaires. La même communication confuse et tapageuse se retrouve dans les mensuels internes du CEA-Grenoble :’’Tout il est beau, tout il est gentil.’’
Cible privilégiée : les enfants. Pour les convaincre des bienfaits de la science et de la recherche, chaque année, le CEA-Grenoble finance « Sciences en fête », place Victor Hugo, où sont proposées des expériences ludiques pour « revaloriser les sciences auprès des jeunes. » [104] De son côté, le « Café des sciences » propose de « redonner le goût de la science à l’école » [105] . Enfin, pour les plus petits, le CEA participe au projet « malabar des sciences » [106]. De quoi contrecarrer le désintérêt croissant des jeunes pour les filières scientifiques, perspective qui affole les milieux scientifiques.
« On a également appris hier que l’eau radioactive est régulièrement rejetée en petites quantités dans l’Isère. Mais que selon Jean Therme, les quantités rejetées sont tellement faibles qu’elles se diluent dans la rivière. »Dauphiné Libéré , 30/01/03
Le 11 juillet 2002, le CEA annonce l’arrêt du réacteur Siloëtte sur son site de Grenoble « après trente-huit ans de bons et loyaux services » [107]. « Avec l’arrêt du réacteur Siloëtte, le CEA de Grenoble se dénucléarise, titre Le Monde du 23/10/02. Cet arrêt qui fait suite à ceux de Mélusine (8 mégawatts), en 1989, et de Siloé (35 mégawatts), en 1997, s’inscrit dans le cadre d’une stratégie de rationalisation du CEA. [...] Le nucléaire, qui a longtemps servi de socle à la recherche scientifique grenobloise, laisse aujourd’hui la place aux micro et nanotechnologies. »
« Les sites seront alors rendus à l’herbe » promet Jean Therme, « Preuve que des installations nucléaires peuvent fonctionner à proximité d’un centre urbain pendant quarante ans et être ensuite démantelées sans impact pour l’environnement. » [108]
Vraiment ?
« Les piscines des réacteurs Mélusine, Siloé et Siloette, qui contenaient de l’eau recouvrant le combustible seront vidées d’ici à la fin de l’année 2003 » précise le Dauphiné Libéré du 30/01/03. « On a également appris hier que l’eau radioactive est régulièrement rejetée en petites quantités dans l’Isère. Mais que selon Jean Therme, les quantités rejetées sont tellement faibles qu’elles se diluent dans la rivière : ’’Les traces de radioactivité dans l’Isère sont homéopathiques’’. Et ’’tout aussi extrêmement faibles par rapport à l’environnement normal.’’ »
Outre le fait qu’on doute que ces rejets aient été contrôlés par des experts indépendants, la question de la nocivité des rejets radioactifs mérite à elle seule toute notre attention. Jean Therme a-t-il pris connaissance du projet RISC-RAD, mené par le CEA ? Cette étude concerne l’effet des faibles doses de radioactivité dans l’environnement. « A l’heure actuelle, les normes de protection contre les faibles doses, moins de 100 mSv ponctuels, sont basés sur l’extrapolation des risques connus et quantifiés liés aux fortes doses. Cette méthode a atteint ses limites. En effet, non seulement la linéarité de la courbe effet/dose est contestée, mais, de plus, la réponse de l’organisme aux rayonnements diffère selon les individus. Certains sont plus radiosensibles que d’autres. » [109]
Autrement dit, plus de 60 ans après sa création, le CEA avoue ne pas savoir grand chose des effets sanitaires des faibles doses de radioactivité. Il faut dire qu’en France, pays le plus nucléarisé du monde, l’État n’a réalisé aucune étude épidémiologique d’envergure sur ce sujet brûlant. Cependant, des doses annuelles acceptables pour la population ont été définies par les institutions nucléaires. C’est peu dire qu’elles sont largement controversées, l’étude la plus importante réalisée à ce jour ayant été menée sur les survivants d’Hiroshima et de Nagasaki. De nombreux chercheurs affirment que toute radioactivité, même à faible dose, peut avoir une action mutagène. Ou que toute idée de ’’dose annuelle admissible’’ est absurde du fait de l’accumulation des éléments radioactifs dans l’organisme. [110]
La vidange des piscines des réacteurs dans l’Isère ne constitue pas la seule source de radioactivité de l’histoire du CEA-Grenoble . Le 7 novembre 1967, le réacteur de recherches Siloé subit un grave accident, contaminant l’eau de la piscine et dégageant des rejets radioactifs dans l’atmosphère. Le 19 juillet 1974, une fuite se produit dans le réacteur à haut flux de l’ Institut Laue-Langevin . En raison de déversements trop importants d’effluents radioactifs dans des égouts insuffisamment étanches, la nappe phréatique est contaminée. En certains endroits, la concentration maximale admissible pour la population est dépassé de 14 fois dans l’Isère, jusqu’à 9 fois dans la nappe phréatique [111]. Notons que le SCPRI (Service central de protection contre les rayonnements ionisants) ne prévient pas la population grenobloise. [112]
Autre scandale : les déchets nucléaires. Un domaine où les incuries du CEA sont depuis longtemps mises en évidence. Quand les programmes nucléaires ont été lancés, la question des déchets était secondaire, ses conséquences sanitaires et écologiques non étudiées ou minimisées, sa gestion non prévue. Il a fallu attendre 1991 pour qu’une loi sur la gestion des déchets radioactifs soit votée. [113] Si des pis-allers ont été trouvées à court terme, le problème reste entier. [114]
La gestion des déchets d’origine militaire a été d’une irresponsabilité notoire : injection dans les sols, rejet dans les fleuves, incinération à l’air libre, enfouissement en vrac dans des décharges sauvages. Un rapport du CEA daté de 1960 apporte les précisions suivantes au sujet des rejets d’effluents liquides radioactifs d’origine militaire dans le milieu naturel : « Cette technique est utilisée en France par tous les centres nucléaires. Ceux-ci mettent à profit la proximité : à Saclay, d’étang artificiels crées par Louis XIV pour l’alimentation des grandes eaux de Versailles, à Fontenay-aux-Roses, des égouts de l’agglomération parisienne, à Grenoble, de la rivière Isère, à Marcoule, du Rhône. » [115] De fait, on retrouve du plutonium jusqu’en Camargue. De même, des déchets et résidus de tritium (substance nécessaire à l’entretien des bombes) sont localisés un peu partout sur le territoire. [116]
En 2005, le CEA-Grenoble évacue 1600 mètre-cubes de déchets radioactifs et 300 tonnes de terre contaminée vers le centre de stockage de l’ ANDRA dans l’Aube. [117] Des déchets « historiques, car générés dans les années 90 à l’époque où il n’existait pas de réglementation particulière pour ce type de déchets » : des pièces métalliques, des gravats, du plastique, générés par le démantèlement des installations nucléaires.
Mais tout cela, qu’on se le dise, est révolu. Désormais, le CEA-Grenoble n’est plus un site nucléaire. Il se lance dans les bio et nanotechnologies, et, avec elles, dans le développement durable. Comme nous l’explique Jean Therme : « Le CEA-Grenoble a engagé une action forte dans le cadre du développement durable en partenariat avec l’Ademe. De leur côté, les collectivités locales et tout particulièrement le CGI [Conseil Général de l’isère] ont souhaité que le projet Minatec soit réalisé selon une démarche HQE (haute qualité environnementale). Le projet choisi est celui qui répond le mieux à cette attente tant en terme de production d’énergies renouvelables que de maîtrise des consommations énergétiques et de fluides. » [118]
Les nanotechnologies, du développement durable ?
C’est oublier que l’industrie électronique est l’une des plus polluantes qui soit. En témoigne l’état des sols, de l’air et de l’eau de la Silicon Valley en Californie [119]. Plus localement, le cas de STMicroélectronics est révélateur. Son discours sur le développement durable est à la hauteur de ses nuisances écologiques : stockage de produits dangereux (phosphine, thilane, arsine...), pillage de l’eau du Grésivaudan, rejets liquides et gazeux nocifs [120]. Et tout ça pour produire quoi ? Des gadgets jetables qui termineront sur le tas toujours croissant des déchets électroniques. [121]
En attendant, le développement durable ouvre de nouveaux marchés. Car la pollution est un facteur de croissance ! Ainsi, au CEA-Léti, on travaille sur « un système capable de suivre in vivo l’évolution de tumeurs ou la progression d’un médicament. » [122] Apibio , de son côté, travaille sur des biopuces capables de détecter des cancers, des OGM, des contaminations chimiques. Le laboratoire Sinaps du CEA-Léti met au point un « microcapteur qui contrôle en temps réel les rejets d’échappement [...] Il pourrait donc équiper tous les véhicules neufs à l’horizon 2010. » [123] Formidable marché que celui de la gestion des nuisances et des risques industriels ! S’attaquer aux causes des pollutions est bien moins rentable que la fabrication de remèdes et de palliatifs dérisoires.
Certes, on pourra nous faire remarquer que le CEA développe des recherches sur les énergies renouvelables telles que le solaire ou l’hydrogène. Mais ces recherches restent à la marge. Au niveau national, le nucléaire représente « 60% des effectifs et 70% du budget total dont la moitié pour les applications militaires. » [124] Quant aux piles à hydrogène, spécialité de Paxitech , start-up du CEA-Léti , il ne s’agit pas d’une nouvelle source d’énergie mais d’un système de stockage dont le rendement est particulièrement faible. [125] Enfin, ces recherches sont menées dans un cadre centralisé, opaque, sans contrôle de la population.
Bref, on peut compter sur le CEA-Grenoble pour participer au développement durable du désastre écologique.
Après le nucléaire et les OGM, se déploie avec les nanotechnologies la même logique mortifère, d’une société dominée par la course aux profits et à la puissance ; où les intérêts militaires et industriels passent avant les considérations sanitaires et écologiques. Alors que les dépenses publiques mondiales pour développer les nanotechnologies ont dépassé les 3 milliards d’euros en 2003, aucun gouvernement n’a adopté de régulations juridiques spécifiques concernant le statut des nanoparticules, leur diffusion et leurs impacts sur la société, l’environnement et la santé. Alors que de nombreux produits contenant des nanoparticules sont déjà sur le marché, elles ne sont pas encore traitées comme une classe de substances chimiques à part malgré leurs caractéristiques spécifiques. Quant aux recherches menées sur la toxicité des nanoparticules, elles en sont au stade embryonnaire.
Le 1er juin, toutes et tous à Grenoble contre Minatec !
Le CEA-Grenoble est une structure opaque dont l’essentiel reste invisible aux yeux du ’’simple citoyen’’. Mais nous en savons assez pour comprendre qu’elle exerce une influence décisive sur le milieu politique grenoblois, qu’elle sert avant tout les intérêts militaires et industriels, qu’elle contribue à produire les outils d’une société totalitaire, qu’elle crée des nuisances écologiques et sanitaires considérables.
Il est temps de rompre avec cette logique mortifère et irresponsable.
C’est l’un des objectifs de l’appel à manifester le premier juin contre Minatec. Organisée par l’ Opposition Grenobloise aux Nécrotechnologies, cette manifestation vise à dénoncer les nuisances d’une recherche scientifique soumise aux impératifs militaires, policiers et industriels. Il s’agit d’affirmer haut et fort le désir d’une autre recherche, celle d’une organisation sociale orientée par le Bien commun et la lutte contre les inégalités sociales, le désastre écologique, la dégradation des relations humaines, la concentration des Pouvoirs, la perte d’autonomie de la population.
Toutes et tous à Grenoble le 1er juin prochain contre Minatec !
Fermons le CEA-Grenoble !
Fermons Minatec !
Grenoble, avril 2006
Sébastien Thomasson
sebasto@no-log.org
[1] technologies permettant de manipuler la matière à des échelles du nanomètre, c’est-à-dire du milliardième de mètre. A cette échelle, les atomes peuvent être manipulés comme des Légo, ce qui ouvre des perspectives inimaginables en terme de miniaturisation, de génie génétique ou de création de nouveaux matériaux.
[2] Dauphiné Libéré , 25/03/06
[3] Dauphiné Libéré , 25/03/06
[4] Le complexe nucléaire , Bruno Barillot, CDRPC, 2005
[5] Le complexe nucléaire , déjà cité.
[6] Au cours d’un interview, Pierre Guillaumat donne « l’exemple d’Edgar Faure [Président du Conseil] qui déclarait : ’’on ne fait pas l’arme atomique’’ et qui avait, la veille, signé les crédits... » cf. Interview de Pierre Guillaumat , par Mycle Schneider et Georg Blume, Damoclès n°67, 1995.
[7] Le complexe nucléaire , déjà cité.
[8] Le complexe nucléaire , déjà cité.
[9] Dans les années 90, il sera rebaptisé CEA-Grenoble.
[10] Jean Therme, Directeur du CEA-Grenoble, Acteurs de l’Économie , n°40, avril 2003
[11] Grenoble, métropole des sciences, p. 70. Jacques Lacour, Pierre Frappat, Glénat, 1997
[12] comme d’ailleurs « toutes les PME de haute technologie » , selon Jean-Paul Laurencin, chercheur au CNRS, conférence « Comprendre la ville de la science » du 06/12/03
[13] De l’atome à la puce , Benoît Playoust, Libris, 1998
[14] De l’atome à la puce , déjà cité.
[15] du 03/04/01
[16] Notons que « Si l’on excepte la région parisienne, le site grenoblois est l’un des sites français dans lequel se trouvent le plus d’universités et d’organismes de recherche. » (cf. Une communauté de recherche, le pôle de Grenoble, Comité National d’Evaluation de la Recherche, février 2003)
[17] Communiqué de presse CEA/DGA, 25/10/02, www.defense.gouv.fr
[18] Bruno Lebret, DAM, Clefs du CEA n°52, hors-série, été 2005.
[19] Nanotechnologies : prospective sur la menace et les opportunités au service du combattant , étude CEA/Alcimed, avril 2004
[20] Texte également disponible sur http://www.piecesetmaindoeuvre.com
[21] Germes, les armes biologiques et la nouvelle guerre secrète , Miller, Engelberg et Borad, Fayard, 2001.
[22] Dauphiné Libéré , 25/03/06
[23] Un expert de la DGA , Le Monde , 19/01/02
[24] Dauphiné Libéré , 25/03/06
[25] Affaires atomiques , Les arènes, 2001. Dominique Lorentz a également écrit Secret atomique , Les arènes, 2002 et Une guerre , Les arènes, 1997. Elle a signé le documentaire La République atomique diffusé par Arte au mois de novembre 2001.
[26] Les Irradiés de la République, Bruno Barillot, GRIP, 2003
[27] Parmi lesquels on citera Ce nucléaire qu’on nous cache , Michèle Rivasi et Hélène Grié, Albin Michel, 1998 ; Nucléaire : la démocratie bafouée , Didier Anger, Yves Michel, 2002 ; Golfech, le nucléaire , collectif La Rotonde, CRAS, 1999, Audit atomique , Bruno Barillot, CDRPC, 1999 ; ou plus généralement tous les travaux de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) www.criirad.org
[28] Grenoble, métropole des sciences , sous la direction de Pierre Frappat, Grenoble Pôle Européen Universitaire et Scientifique, Glénat, 1997
[29] Un siècle de physique , Louis Néel, Odile Jacob, 1991.
[30] Dominique Pestre, Colloque sur l’histoire du CNRS des 23 et 24 octobre 1989
[31] Un siècle de physique , déjà cité.
[32] Science, technologie, armement, postface à Analyse mathématique II , Roger Godement, Springer, 1998.
[33] Pour plus de détails : Louis Néel à Grenoble, la liaison militaro-scientifique, texte disponible sur http://www.piecesetmaindoeuvre.com
[34] cf. Aujourd’hui le nanomonde n°5 , journal disponible sur http://www.piecesetmaindoeuvre.com
[35] Grenoble, métropole des sciences
[36] cf. Un siècle de technoscience grenobloise , texte disponible sur http://www.piecesetmaindoeuvre.com
[37] Une communauté de recherche , déjà cité
[39] Nanotechnologies : prospective sur la menace et les opportunités au service du combattant , déjà cité.
[40] Toutes ne sont pas issues du CEA . cf. Objectifs Rhône-Alpes , mai 2000
[41] La Loi sur l’innovation et la recherche a été adoptée le 12 juillet 1999. Elle vise à favoriser « le transfert de technologies de la recherche publique vers l’économie et la création d’entreprises innovantes. »
[42] Une communauté de recherche , déjà cité
[43] Une communauté de recherche , déjà cité
[44] Une communauté de recherche , déjà cité
[45] Le Mensuel , journal interne du CEA-Grenoble , février 2005, n°91
[46] Métro, région Rhône-Alpes, conseil général de l’Isère et ville de Grenoble
[47] Le Mensuel , journal interne du CEA-Grenoble , octobre 2005
[48] Les enjeux , avril 2006.
[49] Jean André Galeyrand et Denis Limouzin, CFE-CGC, Les enjeux , avril 2006.
[50] Entreprises Rhône-Alpes n°1449, octobre 2001
[51] Cette liste ne prend pas en compte les projets classés « secret défense ».
[52] L’espace alpin et la modernité, bilan et perspectives au tournant du siècle , sous la direction de Daniel J. Grange, PUG 2002
[53] Cf. Grenoble, high tech, le chantage à l’emploi , texte disponible sur http://www.piecesetmaindoeuvre.com
[54] cf. Le système Carignon , Philippe Descamps, Raymond Avrillier, La découverte, 1995. Notons que selon la déposition de Guy Névache, adjoint du maire, le PS et le PC profitaient également du système de corruption mis en place avec les marchés publics : « Dès son élection à la mairie de Grenoble, en 1983, Alain Carignon a établi, avec les responsables politiques, la règle suivante : prélèvement (sur les marchés publics) de 1% pour le PS et PC (0,5% chacun), 1% et très rapidement 2% pour le RPR. A la fin des années 80, les prélèvements atteignaient 5%, avec une ’’période de folie’’ (jusqu’à 10%) en 1989, période électorale mais aussi époque à laquelle Carignon envisageait un destin national. »
[55] cf. Le Monde , 22/02/2000
[56] cf. dossier de L’express : 2004, Grenoble, Une ville laboratoire pour la sécurité.
[57] Le Figaro , 01/10/98
[58] Le Dauphiné Libéré , 19/12/01
[59] Démocratie locale et maîtrise sociale des nanotechnologies , Pierre-Benoît Joly, septembre 2005 (disponible sur www.la-metro.org)
[60] Contribution complémentaire de la Fondation Sciences Citoyennes , in rapport cité précédemment
[61] cf Grenoble, le mythe blessé. P. Frappat. Editions Alain Moreau. P.167
[62] cf Grenoble, le mythe blessé. P. Frappat. P. 402
[63] Le Dauphiné Libéré, 17/11/2000
[64] Le Dauphiné Libéré, 14/11/2001
[65] Le Dauphiné Libéré, 18/01/2002
[66] Le Monde , 25-26/02/01
[67] Le Monde , 17/04/02
[68] L’essentiel de Grenoble et de l’Isère , 03/01/01
[69] Objectif Rhône Alpes. Mai 2000
[70] récit détaillé sur le site internet Grelibre , http://www.grelibre.info/index.php/content/view/188/1/
[71] Le Dauphiné Libéré, 30/04/05
[72] plaquette des Conseils Généraux, voir également le CDROM des Actes des 3èmes rencontres du Sillon Alpin , Conseils Généraux d’Isère, Savoie et Haute-Savoie, 2005.
[73] Discours aux 3èmes Rencontres du Sillon alpin , 22/10/04.
[74] Cité par Pièces et Main d’Oeuvre dans Attention, un train peut en cacher un autre, texte disponible sur http://www.piecesetmaindoeuvre.com
[75] L’Essentiel de Grenoble et de l’Isère , 03/01/01
[76] Conférence au CRDP Grenoble, 27/11/02
[77] Le Dauphiné Libéré , 03/07/05
[78] biotechnologies, nanotechnologies, informatique...
[79] Le Dauphiné Libéré , 25/03/06
[80] cf. RFID, la police totale , texte disponible sur http://www.piecesetmaindoeuvre.com
[81] cf "Les technologies de radio-identification (RFID) : enjeux industriels et questions sociétales", rapport du Conseil général des technologies de l’information, janvier 2005.
[82] Le Dauphiné Libéré ,12/10/05
[83] Isère Magazine , septembre 2005
[84] L’Usine Nouvelle 27/01/05
[86] Les professionnels sont invités à repérer des facteurs de risque prénataux et périnataux, génétiques, environnementaux et liés au tempérament et à la personnalité. Pour exemple sont évoqués à propos de jeunes enfants « des traits de caractère tels que la froideur affective, la tendance à la manipulation, le cynisme » et la notion « d’héritabilité (génétique) du trouble des conduites » . Le rapport insiste sur le dépistage à 36 mois des signes suivants : « indocilité, hétéroagressivité, faible contrôle émotionnel, impulsivité, indice de moralité bas » , etc. A partir de six ans est préconisée l’administration de médicaments, psychostimulants et thymorégulateurs pour venir à bout des plus récalcitrants. L’expertise de l’INSERM, en médicalisant à l’extrême des phénomènes d’ordre éducatif, psychologique et social, entretient la confusion entre malaise social et souffrance psychique, voire maladie héréditaire. (cf. Prévention de la délinquance : inquiétudes et amalgames , Observatoire des inégalités, www.inegalites.fr)
[87] Présences, mai 2004
[88] Tout comme le fait d’avoir une carte d’identité nous paraît normal. Celle-ci a pourtant été instaurée sous le gouvernement Pétain, sa mise en place et son maintien n’ont rien d’anodin (cf. Histoire de la carte nationale d’identité , Pierre Piazza, Odile Jacob, 2004).
[89] Pour plus de détails, lire Au doigt et à l’oeil, quand vidéosurveillance et biométrie resserrent les petites mailles du filet , texte disponible sur http://www.piecesetmaindoeuvre.com
[90] Extraits du livre bleu, grands programmes structurants, propositions des industries électroniques et numériques , juillet 2004. Ce rapport est téléchargeable sur http://www.gixel.fr. Notons que depuis qu’il a fait scandale, Le livre bleu a été édulcoré, certains passages ont été réécrits.
[91] Lettre de Minatec n°2, novembre 2001
[92] Entreprises Rhône-Alpes n°1449, octobre 2001
[93] Sources : CEA/Léti , Lettre de Minatec , Chronique du CEA
[94] Entreprises Rhône-Alpes n°1449, octobre 2001
[95] Grains de technopole , Michel Bernardy de Sigoyer, Pierre Boisgontier, Presses Universitaires Grenoble, 1988.
[96] Philippe Bergeonneau, Talents du CEA , n°62, mai 2004
[97] Chronique du CEA-Grenoble , automne 2001
[99] Sondage Janvier 2006 / BVA - Agir pour l’environnement disponible sur : www.agirpourlenvironnement.org
[100] Nanotechnologies : prospective sur la menace et les opportunités au service du combattant, déjà cité.
[101] Talents du CEA , n°62, mai 2004
[102] mensuel de la Chambre de Commerce et d’Industrie de l’Isère.
[103] Le Dauphiné Libéré , 9/04/1999 ; 23/09/02 ; 25/09/02
[104] Le mensuel , journal interne du CEA-Grenoble, novembre 2005.
[105] Talents du CEA , n°78, dec 2005/jan 2006
[106] Les défis du CEA , sept 2005
[107] Chronique du CEA n°73
[108] Cf Acteurs de l’économie n°40. Avril 2003
[109] Les défis du CEA , hors série, septembre 2005
[110] Au Bélarus, le professeur Youri Bandajevsky a étudié les effets des faible doses de radiation sur la santé. Il a établi la corrélation entre la contamination interne (alimentation) par le Césium 137 et de nombreuses pathologies.(cf. www.comite-bandajevsky.org). Notons que les études épidémiologiques sont complexes : les faibles doses sont délicates à mesurer, leurs effets longs à se déclencher. Les études doivent être menées sur le long terme, concerner une large population, nécessiter une coordination de tous les services de santé : une procédure coûteuse et inaccessible sans une volonté active de l’État. Mais répétons-le : en France, pays le plus nucléarisé du monde, l’État n’a réalisé aucune étude épidémiologique d’envergure.
[111] Super-Pholix , journal des Comités Malville. Années 1976 / 77
[112] Les jeux de l’atome et du hasard , Jean-Pierre Pharabod, Jean-Paul Schapira, Calmann-Lévy, 1988
[113] Cette loi, dite « Bataille », est à ce jour, la seule loi adoptée en France pour encadrer le nucléaire.
[114] cf. Les conséquences nucléaires , Les renseignements généreux, texte disponible sur www.les-renseignements-genereux.org
[115] cité dans Ce nucléaire qu’on nous cache, déjà cité.
[116] Un seul exemple : la CRIIRAD a réalisé en 1994 une expertise sur la contamination des eaux potables de Côte d’Or (à la demande du Conseil général). Résultat : les deux tiers des eaux du département contiennent du tritium (cf. www.criirad.org)
[117] Le mensuel , journal interne du CEA-Grenoble, novembre 2005.
[118] site internet de Minatec, http://www.minatec.com/cgi-bin/charge.pl
[119] Le parallèle entre le Grésivaudan et la Silicon Valley par ceux-là même qui l’ont commis , texte disponible sur http://www.piecesetmaindoeuvre.com
[120] cf. STMicroelectronics à la pointe de la lutte contre l’environnement , texte disponible sur http://www.piecesetmaindoeuvre.com
[121] sur ce sujet, lire notamment Le téléphone portable, gadget de destruction massive , texte disponible sur http://www.piecesetmaindoeuvre.com
[122] Le mensuel , février 2004
[123] Le mensuel , février 2004
[124] Les Enjeux , avril 2006
[125] cf. Une technologie qui tombe pile ? , texte disponible sur http://www.piecesetmaindoeuvre.com