Ce 9 octobre 2020, le Daubé nous annonce que la Commission européenne a attribué à « la capitale des Alpes », le titre de « Capitale verte 2022 », à l’issue d’un concours entre 18 villes avec, comme pour les Jeux olympiques et autres nuisances festives, une campagne de promotion et une cérémonie finale en anglais et en visioconférence, à laquelle le techno-gratin (« de nombreux élus, des acteurs économiques, associatifs, culturels… ») se pressait autour d’Eric Piolle le techno-maire (HP-EELV), comme du temps de Michel Destot (CEA-PS), Hubert Dubedout (CEA-PS) et de tous leurs innovants prédécesseurs (1). Et comme tous ses innovants prédécesseurs depuis plus d’un siècle, il a radoté une fois de plus, et en anglais pour une fois, au lieu du traditionnel franglish, que Grenopolis était « un territoire de pionniers ! », depuis la « houille blanche au XIXe siècle » (2), jusqu’au capteur communicant (Linky), aux « smart grids » (spécialité grenopolitaine), et à la smart city , la ville machine qu’il bâtit avec ses collègues de la Metro - rouges, roses, bleus ou verts – entre Vizille, Voiron, le Vercors et le Sappey. De quoi consoler Eric Piolle de l’échec de Yann Mongaburu, son nain de jardin, à la présidence de la Métro, et de son éviction de la présidence du Smmag – le Syndicat mixte des mobilités de l’aire grenobloise – qui ne cesse de s’étendre. « L’aire grenobloise » aujourd’hui, c’est la cuvette grenobloise, la vallée du Grésivaudan et le Pays Voironnais, peuplée de 700 000 résidents, et à peine Mongaburu remplacé par Sylvain Laval, maire de Saint-Martin-le-Vinoux (ce n’était qu’une petite question de petites personnes), les technocrates de toutes couleurs se remettaient à l’édification de Grenopolis (3).
Jean Vaylet, président de la Chambre de commerce et d’industrie, un technocrate ayant fait sa carrière à la tête d’Atmel et autres entreprises de microélectronique, exultait donc aux côtés d’Eric Piolle, lors de cette annonce de la Commission européenne, « parce que d’abord, c’est une victoire. Ensuite parce qu’il s’agit d’un très bon projet sociétal et économique. (…) Le monde économique travaille avec l’image de sa ville ; or en termes de marketing territorial, ce titre élimine le bashing, créera du business et nous positionne en avance (4) ».
Retour au franglish et, comme dirait Jean Vaylet, un scoop. Le titre de « Capitale verte de l’Europe », c’est un bon coup de marketing et ça peut rapporter gros.
Autre aveu, de Maud Tavel, adjointe de Piolle « à la tranquillité publique » : « Il y a ce que le territoire (NdR. Grenopolis) a fait depuis vingt à trente ans, et ce qu’on a accéléré lors de notre premier mandat. »
Merci de reconnaître ce que nous avons toujours dit : les technologistes verts ne se distinguent des roses (Destot, Dubedout) et des bleus (Carignon) qui les ont précédés que sur un seul point : ils accélèrent. Ils font la même chose, mais plus vite. Ils construisent plus vite la mégapole connectée qui, dans leurs plans déjà élaborés et en voie de réalisation, doit s’étendre à tout le Sillon alpin, soit le triangle Genève – Lyon - Valence. La « Capitale des Alpes » étant le nœud de connexion. Leur « transition écologique », c’est en fait, comme ils le revendiquent haut et fort, une transition numérique, nappée de bien-pensance, de bons sentiments, de bonnes paroles, de bons gestes et de bonnes pratiques, plus inclusives les unes que les autres, envers nos amies les minorités, y compris les robot-e-s et les cyborgs. C’est que la bonne société a toujours eu ses bonnes causes.
« Capitale verte : à quoi ça sert ? » se demande le lecteur du Daubé, qui lui répond en termes d’une crudité toute lucrative :
« C’est d’abord, bien évidemment, un formidable coup de projecteur sur une ville et une vitrine médiatique incomparable des "bonnes pratiques" et des engagements d’un territoire. C’est ensuite, au-delà de cette seule lumière, un facteur d’attraction (…) : ainsi en 2013, Nantes avait accueilli plusieurs salons internationaux en lien avec l’environnement et les mobilités. Les retombées sur l’économie locale avaient été estimées à 8 millions d’euros, pour 3,2 millions d’investissement, selon un article de 20 Minutes paru en 2013.
Mais l’intérêt majeur est encore ailleurs et il est à chercher du côté de l’Union européenne et de son "pacte vert". Ce "Green deal" présenté en 2020, mobilisera au moins 100 milliards sur la période 2021-2027 pour "accompagner la transition vers une économie verte" (5) ».
Vert est la couleur de l’argent. « Une manne financière ? » feint de s’interroger Le Daubé.
« L’Europe précise également sur son site internet que « tous les secteurs de l’économie devront passer à l’action » (industrie, mobilités, énergie, rénovation et isolation des bâtiments etc.). Or, si la somme attribuée à Grenoble pour son année capital est faible (350 000 euros), la ville deviendrait en revanche plus légitime que jamais aux yeux de l’Union européenne pour lancer et mener des projets avec les financements adéquats (6). »
Mais qu’a donc fait le techno-gratin depuis plus d’un siècle sinon capter la manne d’Etat, et aujourd’hui celle de la Région et de l’Union européenne, par un travail constant de brigue, d’intrigue, de visites et de présence dans les ministères et la haute administration, afin d’en rapporter sans cesse des « crédits », des « subventions », des « projets », etc. Et si nous avons pu le montrer dans nos enquêtes (Le Laboratoire grenoblois, Sous le soleil de l’innovation, rien que du nouveau !, Retour à Grenopolis (7)) C’est d’abord parce que les universitaires locaux, économistes, sociologues, historiens, s’en vantaient hautement dans leurs livres et rapports de recherche – quoique dans une novlangue, une technolangue, réservée aux initiés.
Résumons : tout l’appareil d’échange et de production issu de deux siècles de « révolution industrielle » permanente, se révèle encore plus destructif que productif. Il faut donc le jeter à la casse et lui en substituer un autre - « industrie, mobilités, énergie, rénovation et isolation des bâtiments etc. ». Mettons que ce soit de l’obsolescence imprévue malgré toutes les alertes et les oppositions depuis deux siècles (les cassandres, les prophètes de malheur, les rabat-joie, etc.) Qui va fournir le capital, financer les investissements, faire les frais de cette machinerie productive-destructive que nos technocrates verts de toutes nuances, veulent substituer à celle qu’ils nous ont fait payer depuis deux siècles – impôts, infrastructures, centres de recherche et de formation, etc. ? Qui va payer la fuite en avant technologique et numérique, travestie en « transition écologique » ? Sans même évoquer le principal : une société connectée, une société machine automatisée, est, et ne peut être, qu’une société de contrainte. Perspective radieuse pour la technocratie dirigeante et pour les technoïdes asservis et heureux de l’être. Odieuse aux derniers amis de la nature et de la liberté. Mais on a les moyens de les faire changer d’avis.
En attendant la « croissance verte », le « capitalisme vert » et les « technologies vertes », 350 000 euros c’est un bon début pour les frais de lavage de cerveaux et de bourrage de crânes. Mais vous pouvez dire « co-construction », « démocratie participative » et « conférence citoyenne », cela fera tellement plaisir aux commandes vocales de nos directions numériques.
Pièces et main d’œuvre
Grenopolis, le 9 octobre 2020
Notes :
1- Le Laboratoire grenoblois (ici) et Pièce détachée n°4
2- Cf. Sous le soleil de l’innovation, rien que du nouveau ! Pièces et main d’œuvre (L’Echappée, 2013) ; Et si on revenait à la bougie ? Le noir bilan de la « Houille blanche » (ici) et Pièce détachée n°88.
3- Cf. Le Daubé, 9 octobre 2020
4- Idem.
5- Idem.
6- Idem.
7- Le Laboratoire grenoblois ; Retour à Grenopolis (ici) et Pièces détachées n°4 et 91 ; Sous le soleil de l’innovation, rien que du nouveau ! (L’Echappée, 2013).
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