Protestation contre l’ouverture d’un multiplexe de cinéma.
“C’est à l’état de ses poubelles qu’on mesure la propreté d’une cité” (Michel Destop)
Salut,
On le sait désormais : faut pas compter sur nos élus pour défendre notre qualité de vie. Destot est maqué avec la Chambre de Commerce, qui de fait dirige Grenoble alors qu’on lui a rien demandé. Les autres zélus sont mis en examen, ou idiots, ou mous, ou les trois (certains plus que d’autres, certes). Conclusion : faut tout faire soi-même. Ce journal n’est pas fait avec vos sous, contrairement aux Nouvelles de Grenoble , et contrairement à elles, il vous donne de vraies infos. (Il dit un peu des gros mots, aussi.)
A la prochaine.
L’industrie du divertissement accouche d’un nouveau bâtard : le multiplexe Nef-Chavant. Au-dessus du berceau, les deux marraines réjouies : la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) et la Mairie de Grenoble. Enfin le gavage des bœufs va se faire chez elles, à moins de 200 m de l’une comme de l’autre. 2950 places avec porte-gobelets et mangeoires intégrées pour une alimentation en continu du troupeau, 400 places de parking pour ranger les bétaillères, 1300 m2 de surface commerciale pour gaver aussi les commerçants : tout a été étudié. On attend avec impatience l’ouverture de la nouvelle étable municipale, exploitée par le groupe Adira (cf ci-dessous). Les Grenobœufs vont pouvoir engloutir du pop corn à la pelle, se mettre des décibels en son THX par dizaines dans les oreilles, et se shooter aux effets spéciaux sur grand écran.
Dans divertir, il y a diversion
Pendant ce temps, Destot peut magouiller tranquillement avec la CCI pour répartir les marchés honteux des bétonneurs : tunnel sous Bastille et projet caché de tunnel sous Vercors, par exemple.
Dormez, braves bœufs, divertissez-vous dans les halls d’aéroport made in Hollywood , pendant ce temps on pourrit votre cadre de vie et on se torche avec vos droits.
Gros plan sur... Les Erections municipales
M. Destot se croit pharaon. Bâtir, ériger, combler les trous : son ennemi, c’est l’interstice, sa folie, les Erections Municipales. Pendant que les bœufs engraissent, il se monte un immonde méga-monument aux morts sur le Mont Jalla, il vend Chavant à l’industrie du spectacle, il creuse des tunnels routiers sous la montagne. M. Destot passe ses journées à vendre l’espace public aux commerçants, qui s’empressent d’y installer des tiroirs-caisses. Est-ce qu’on nous a demandé si ça nous plaisait d’avoir un supermarché à images place Chavant ? Et si par hasard on avait préféré un jardin d’odeurs, une université pour tous, une maison de vieux agréable ? Des lieux de vie, pas des lieux à fric ? Destot croit que l’espace est à lui, il se plante, il est à nous.
Dernier point : des trains de bagnoles, immanquablement, vont charrier les bœufs jusqu’à l’étable Nef-Chavant. Plus de bruit, plus de pollution, plus de stress en centre ville. On s’en fout, pour compenser, c’est connu, les gens consomment plus. Et vont oublier leur moche cadre de vie... dans les salles obscures des multiplexes.
Adira, les longues dents du cinéma grenoblois
Ce qu’on ne vous dit pas à propos du multiplexe Chavant. Son patron est un caissier de cinéma porno !
Quand le journal municipal dit qu’Adira est un “groupe familial indépendant grenoblois” , c’est pour nous faire croire qu’il n’est pas une de ces vilaines machines à fric que sont les UGC, Pâté et autres croûtes, responsables de l’immonde multiplexe d’Echirolles. A Grenoble, Monsieur, on a des familles indépendantes, défenderesses hardies de l’Art et du bon goût, qui se réclament du résistant Chavant quand il faut batailler contre l’invasion des capitaux non dauphinois. Ça c’est la propagande des Nouvelles de Grenoble (cf numéros de février et de juin 1999).
La vérité, maintenant. La vraie histoire du groupe Adira commence dans le cinéma porno, puisque Monsieur Lucien (dans la famille, le père) a bâti son empire sur l’industrie du sexe triste.
Aujourd’hui encore, si vous cherchez Monsieur Lucien, vous le trouverez sûrement à la caisse du dernier ciné porno de Grenoble, le Lux (jusqu’à très récemment le Vox), encaissant sans coup férir les 45 balles que coûte la place. On ne s’offusquerait pas de ce petit commerce (encore que), si le groupe Adira ne mettait un soin particulier à le dissimuler. Faites un saut sur le site web Adira : peau d’zob, si on ose dire. C’est toujours drôle, la pudibonderie des sans-scrupules.
Donc, en fait de preux chevalier aux mains nues, le groupe Adira possède rien moins que... 57 salles (sans compter les pornos) : à Grenoble (18 salles Nef-Rex-Royal), Chambéry, Lyon, Montélimar, Carcassonne et Châlon-sur-Saone. C’est qu’on aime le cinéma dans la famille. Aujourd’hui c’est la fille, Monique, qui dirige l’empire de sa poigne de fer (lire ci-dessous le témoignage émouvant sur son amour du 7e Art).
Sacrifice
D’après les dirigeants de la ville (Destot et son mentor, la CCI) le multiplexe Chavant serait la vaillante réponse du dévoué Adira pour enrayer la chute de fréquentation des cinémas en centre ville. Ah ben oui, c’est que maintenant, les amateurs de cinéma ayant été consciencieusement transformés en bœufs, ils ne s’accomodent plus de leurs anciennes salles du centre. Il leur faut des étables modernes.
Adira, n’écoutant que son sens du devoir, s’est sacrifié. En réalité ça n’est évidemment qu’un chantier de plus pour une business family qui voudrait bien gagner autant que Seydoux. Le projet de multiplexe Adira date en fait de 1996, et à l’origine il était question de le faire à Grand-Place : c’est juste une vieille histoire accomodée à la sauce “ça-nous-arrange”.
Le commerce avant tout
Les commerçants du centre ville, emmenés par le sémillant Bourgarel, opticien membre des Vitrines de Grenoble, ont fait savoir qu’il était urgent de ramener au centre les troupeaux attirés par les halles à grains de périphérie. Comme le conseil municipal est un cœur tendre, il a eu pitié de ces pauvres gens et leur a offert Chavant sur un plateau (décision votée à l’unanimité le 18 janvier 1999). Il ne restait qu’une petite formalité, l’accord de la Commission Départementale d’Equipement Cinématographique. Celle-ci étant composée de représentants de la Ville, de la CCI, et des CONsommateurs, personne ne s’est vraiment fait de souci. Ce fut chose faite le 23 avril 1999.
Espèce de flux
Aujourd’hui les grues du groupe Bouygues tournent sur l’ancien parking. Bouygues se console ainsi de n’avoir pu récupérer le marché de l’eau à Grenoble. Qu’il se rassure, un multiplexe c’est presque pareil : la préoccupation majeure des patrons est la “gestion souple des flux” (c’est vous, les flux).
Conte
La sorcière et Kirikou
A sa sortie en 1998 le dessin animé Kirikou et la sorcière de Michel Ocelot n’excite pas les exploitants de salles. Aucune chance de détrôner Le Prince d’Egypte et Mulan , les grosses Berta disneyennes du moment. A Grenoble le Méliès programme Kirikou dès le 9 décembre. Et, comme partout en France, c’est la surprise : le public afflue. Les 96 places de la salle “Art & Essai” sont prises d’assaut et réservées à l’avance. Du jamais vu. De quoi donner des remords à Monique Adira, qui, en vraie cinéphile, a préféré Mulan (programmé au Rex et au Royal). Quand elle réalise qu’elle a joué le mauvais cheval, la sorcière enfourche son téléphone et appelle le distributeur du film. Et lui déclare en substance : " Cher ami, c’est impossible. Le Méliès n’accueille que 96 personnes par séance, imaginez la frustration du public (et surtout le manque à gagner). Confiez-moi plutôt votre admirâââble film !" Soit que le contrat l’en ait empêché, soit qu’il ait flairé l’épicière-qui-sent-sous-les-bras, le distributeur n’a pas obtempéré. Kirikou est resté six mois à l’affiche du Méliès, et a dépassé le million d’entrées en France. La sorcière s’en est mordu ses doigts crochus. Bien fait.
A propos des multiplexes
Ils ont osé le dire...
“Un film moyen devient bon lorsqu’on est confortablement installé.” Jean-Philippe Vargues, président du Pâté Echirolles, a tout compris : aux abrutis on peut toujours refourguer de la merde, tant qu’elle est emballée dans du papier cadeau...
(Source : Les Affiches de Grenoble , 11/04/97)
“S’il y avait un autre multiplexe à Grenoble ce serait pour le coup la fin du centre ville : la clientèle n’est pas indéfiniment extensible.” Jérôme Seydoux, patron de Pâté, lors de l’inauguration à Echirolles le 4 juin 1997. On est prévenus : l’usine à gaz Chavant achèvera les petites salles. Là où les gros prospèrent, les petits crèvent : c’est la loi du marché, coco. Pour en savoir plus, fais un stage à la CCI.
“Nous sommes très ouverts à toute discussion, notamment avec le groupe Adira s’il le désire, pour voir comment nous, de notre côté, en terme d’aménagements urbains, nous pouvons faciliter la vie des salles commerciales dans le centre.”
En 1997, Jean-Jacques Gleizal, adjoint aux Cultures Intensives, s’est déjà vendu au plus offrant.
(Source : Le Dauphiné Libéré, 28/05/97)
“C’est le rêve à la portée du plus grand nombre” . Gilbert Biessy, maire communiste d’Echirolles, bouleversé devant son multiplexe tout neuf ( Le Dauphiné Libéré , 04/06/97). Gilbert sois gentil, laisse nos rêves tranquilles. Si tu t’ennuies, relis Marx, ça nous fera des vacances.
“Le multiplexe sera un spectacle à lui tout seul.” Jean Serroy, du Dauphiné Libéré (24/03/97). Sans commentaire.