LUCIDE, un collectif de 17 organisations iséroises, vient de nous lancer un appel à la "lutte contre les idées d’extrême-droite". Lucien lui répond ci-dessous.
La gauche dans toute sa décomposition vient de pousser un appel à la « lutte contre les idées d’extrême-droite » (Voir http://grenoble.indymedia.org/2013-03-14-Lancement-LUCIDE-LUtte-Contre-les). Il n’y manque ni la gauche d’Etat, ni la « gauche de gauche », ni la caution soi-disant « libertaire », ni les satellites syndicaux et associatifs, en attendant les autres signatures sollicitées.
D’un point de vue historique, toujours un peu risible pour les fanatiques du présentisme, de l’amnésie et de la mémoire courte, les partis à la manœuvre (PCF, PG, NPA, PRCF), sont les héritiers résiduels des bolcheviques des années vingt, trotskystes ou staliniens, mais tous également fusilleurs d’ouvriers, de paysans et d’intellectuels rebelles à leur dictature. Ils sont, même s’ils feignent de l’oublier et tâchent de le faire oublier, ce qui reste de l’une des deux grandes monstruosités terroristes et totalitaires du XXe siècle. Les similitudes et les complicités de ce communisme avec son frère ennemi fasciste – y compris en France -, sont trop nombreuses et trop connues pour qu’on les détaille ici. Voyez les historiens.
Du point de vue actuel et local, cet appel rassemble platement, sempiternellement, tout le panier de crabes et de pensionnaires de la Maison des Associations, des plus encroûtés aux plus godelureaux, toujours prêts à outrer leur propre caricature. Dans un langage kitch qui ne lésine ni sur le ventre fécond de la Bête immonde, ni sur les heures les plus sombres de notre Histoire, ces farceurs nous rejouent, une fois de plus – mais sur le mode burlesque - la tragédie des années trente, avec chantage et parodie de Front Populaire « sans faille, pour juguler les forces mortifères des droites extrêmes » etc.
Et parce qu’ils n’en font jamais trop, c’est « le jour anniversaire de l’adoption du programme du Conseil national de la Résistance (15 mars 1944) » et « au square des Fusillés, symbole de la Résistance iséroise », que ces néo-résistants lancent leur « appel ». Et de poser en rang d’oignons pour Le Dauphiné libéré (16 mars 2013). Le Daubé, issu comme eux de la Résistance. C’est normal, entre « résistants », on s’entraide.
Cette bouffonnerie de diversion vise à occulter :
1) Que la gauche progressiste, dans son ensemble, au gouvernement ou ailleurs, est incapable d’appeler un chat un chat ; ni de nommer l’effondrement écologique et social de la société industrielle à l’ère du techno-capitalisme mondialisé.
2) Qu’elle n’a d’autre programme que la poursuite du désastre par « l’innovation », la fuite en avant technologique, et « la planification écologique », l’instauration d’un « capitalisme vert » - et fascisant celui-ci -, sous dictature technocratique, afin « d’optimiser la gestion des ressources » (cf. Ecologie et Liberté, André Gorz, 1977 et Le Feu vert, Bernard Charbonneau, 1980).
3) Qu’en attendant cette douteuse issue de secours et « le retour à la croissance » qui en devrait découler, c’est au peuple que la gauche progressiste et ses branquignols « antifascistes » extorquent le prix de leurs délires économistes. Le « retour à la croissance » - et à la consommation - ne ferait que précipiter la vraie crise, la crise écologique, humaine et anthropologique, où nous sombrons de décennie en décennie. Sur cette terre finie que l’industrie et « l’économie réelle » ont dévoré en 200 ans et où les scientifiques s’efforcent maintenant de produire toutes sortes d’ersatz de matières premières.
4 ) Que les éléments d’un « fascisme » contemporain ne résultent pas des menées d’un parti nationaliste, légaliste et électoraliste, fut-il agité de courants conservateurs en matière de mœurs, et autoritaire au plan politique, mais bien de ce que la presse et le tout-venant nomment « Big Brother ».
En clair, il est vain de s’horrifier de tout ce que le Front National pourrait faire des technologies de contrôle, de surveillance et de contrainte développées depuis la Deuxième guerre mondiale par la rationalité technocratique et le progressisme scientifique et politique. L’effet de ces technologies est précisément de périmer le Front National (ou tout parti « fasciste »), en tant qu’instrument de maintien ou de retour à l’ordre. La technologie est la poursuite de la politique par d’autres moyens. Et tous les partis – mais surtout les socialistes, les verts, les communistes - représentent la technocratie, classe dominante du capitalisme à l’ère technologique, et rivalisent pour la représenter. L’horreur, c’est l’omnipotence et la banalisation de ces technologies de contrôle, de surveillance et de contrainte ; la vélocité de leur invasion depuis un demi-siècle ; et la soumission qu’elles ont, dans l’ensemble, rencontrée. Et pourtant, comme le bégayent nos « résistant-e-s », « aucun-e citoyen-ne ne pourra plus dire « je ne savais pas », ne pourra plus rester en dehors de la lutte déterminée contre l’extrême-droite. » Avec de tels « antifascistes », le techno-capitalisme n’a que faire de « fascistes » dont quelques traits arriérés pourraient, au contraire, freiner la ruée triomphale du Progrès.
A Grenoble et en Isère, quel « citoyen » peut dire « qu’il ne savait pas » le maître-rôle joué par les appareils de gauche, leurs scientifiques, ingénieurs, techniciens, cadres, leurs chefs et militants dans l’essor du nucléaire, de l’informatique et des nécrotechnologies en général ? Lequel peut dire « qu’il ne savait pas » le nombre de communistes infestant EDF et le CEA ? Le nombre de « gens de gauche » dans les laboratoires et centres de recherche ? Le nombre « d’entrepreneurs de gauche » ou « citoyens » issus de ces laboratoires, fondant leur start-up sur leurs brevets de recherche et leurs partenariats avec l’armée ? Mais qui ignore que cette technocratie militante, qui a fait le plein du mouvement corporatiste « Sauvons la recherche », il y a quelques années, est le front de gauche, le front marchant du capitalisme contemporain et de « l’économie de la connaissance » ? Qui ignore ses performances en matière de « création de valeur », d’extorsion de plus-value, de « pôles de compétitivité », de robotisation et de déshumanisation ?
A Grenoble et en Isère, qui a vu cette « gauche antifasciste » combattre l’identification et la traçabilité universelle, la biométrie, les fichiers et la vidéosurveillance (optimisés grâce aux chercheurs des labos et boîtes iséroises), les puces RFID fabriquées notamment chez STMicroelectrics à Crolles, la géolocalisation, les implants neuro-électroniques de Clinatec ? Personne, et pour cause : les concepteurs et les opérateurs de ces innovations mortifères sont les suiveurs et les meneurs de cette « gauche antifasciste ». La semaine, ils produisent le techno-flicage, le samedi, ils manifestent contre « les idées de l’extrême-droite ».
C’est à Fontaine, Echirolles, Grenoble, municipalités communistes et « gauche plurielle », qu’on implante la vidéosurveillance de la population. C’est dans toute l’Isère qu’on suit à la trace ses déplacements – via ses cartes Ourà et Avantag, équipées de mouchards électroniques. C’est à Grenoble, ville « résistante », qu’on teste le compteur électrique « intelligent » Linky, qui surveille nos activités domestiques minute par minute. Mais combattre la tyrannie technologique dans la ville qui la produit, est politiquement et électoralement moins rentable que de pourfendre « le spectre national-socialiste » (dont on ne saurait mieux dire qu’il s’agit d’un fantôme).
« Citoyens » et « résistants », encore un effort pour être lucides.
Lucien (Lutte contre l’ineptie et les nuisances)