Protestation contre la construction d’un stade de foot.
Pendant le match, les affaires continuent
Nos élus veulent à toute force nous " divertir ". Après un mégaplexe en centre ville, voici le grand cirque d’agglomération." Divertir " signifie littéralement "éloigner, détourner" . De quoi veut-on nous détourner en nous envoyant au stade ? Du risque mortel que constituent les usines chimiques du sud de l’agglo, les réacteurs nucléaires du Polygone scientifique, les armes bactériologiques du labo des armées à La Tronche ? De l’écart croissant entre riches et pauvres ? De la morosité d’une vie cotée en Bourse ? De la privatisation du vivant (les plantes, les gènes, l’eau, l’air bientôt) qui nous dépossède du bien commun au profit de quelques industriels ?
Pendant que vous êtes au stade, vous oubliez que vous comptez pour du beurre dans ce monde-là. Et ça arrange drôlement ceux qui se font du beurre sur votre dos. On vous gave de victoires, de héros, d’esprit d’équipe, toutes choses qui vous manquent dans la vie. Tant que vous avez l’impression d’exister en hurlant que vous avez gagné, vous ne pensez pas à vous révolter, vous ne pensez pas tout court. Et ça arrange drôlement nos politiciens.
Une seule tête (vide comme un ballon)
Si on se demande ce qui serait bon pour nous, ça ne va pas arranger ceux qui ont construit ce monde bon pour eux. Aussi ont-ils mis au point d’impeccables méthodes de conditionnement. Ils ne veulent voir qu’une seule tête. Plus facile à manipuler. La pub, la "communication" sont là pour ça. Le sport-spectacle aussi. L’effet de groupe, le conformisme, c’est bon pour les ventes. Quand t’as beuglé "Allez les Bleus" avec la foule pendant 90 minutes, t’es mûr pour agir comme un seul homme. Hitler l’avait très bien compris, avec ses grands rassemblements sportifs. Et les publicitaires ne s’y trompent pas : ils squattent le moindre pouce carré de terrain de sport et le moindre de vos neurones. Avez-vous remarqué comme la pub vous donne des ordres ? "Buvez Beurk", "Essayez Pouah", "Roulez en Argh" ! Vous avez l’habitude qu’on vous cause comme ça, vous ? Ben oui.
Les footeux, les skieurs, les athlètes professionnels sont d’abord des hommes-sandwiches. Pourquoi croyez-vous qu’on pousse les nageurs à porter des combinaisons ? Pour y coller des pubs pardi. Même les pelouses des terrains de foot incluent des pubs avec effet relief orientées spécialement pour les caméras.
Après ça on aura beau jeu de nous expliquer que le foot est un sport populaire, pas cher, accessible à tous. Forcément ! On ne vend pas des places à des spectateurs, mais on vend des spectateurs, vous c’est-à-dire, à des annonceurs publicitaires. Et croyez bien que, sur votre dos, les télés, les journaux, les patrons de clubs, la fédération, les joueurs, les marchands de produits dopants, bref, toute l’économie du sport-spectacle se fait un maximum d’argent.
Les dépenses sont publiques, les recettes sont privées
Le ministère de la Jeunesse et des Sports a scandaleusement bradé une part de sa responsabilité à la Fédération Française de Foot, organe non élu, donc illégitime. Celle-ci a le droit d’imposer ses règles aux collectivités locales, c’est-à-dire à nous. Parmi ces règles, l’obligation de construire un stade de 12 000 places pour un club en D2. Qui finance ? Les contribuables. Nous. Pourquoi devrions-nous supporter collectivement les dépenses d’un équipement qui servira aux professionnels, et dont les recettes iront dans la poche du foot business ? Nous ne devons rien à la FFF. L’argent public doit servir à l’intérêt public. Nos élus sont des vendus s’ils acceptent de servir le foot-spectacle au lieu de favoriser la pratique du sport par tous et l’amélioration de notre quotidien. Nous n’avons pas besoin d’un grand cirque. Nous avons besoin de piscines gratuites, de mesures anti-pollution, d’éducateurs dans les quartiers, de personnel dans les maisons de retraite, d’infirmières... S’ils manquent d’idées, on peut leur en donner.
Vous avez dit "éducation" ?
M. Pilaud, adjoint aux Sports, nous explique en dernière analyse que le foot professionnel est nécessaire "comme modèle pour motiver les plus jeunes à faire du sport" . La belle affaire. Parlons-en du modèle du foot-spectacle : salaires indécents, transferts (c’est-à-dire vente de chair fraîche) exorbitants, Paris Match , Porsche et villas tropéziennes. C’est donc ça qu’on veut inculquer aux enfants ? Qu’on ne vienne pas s’étonner alors du manque de respect envers les profs, ces ringards qui croient qu’on peut faire quelque chose avec des déclinaisons. Qu’on ne vienne pas pleurer sur la violence des mômes qui comprennent qu’ils ne seront jamais Barthez, c’est-à-dire qu’ils n’auront ni la Rollex en or ni le top modèle.
Eduquer les jeunes, c’est leur apprendre à penser par eux-mêmes, à exprimer des choix, à être responsables. Seulement on risque d’en faire des citoyens qui se mêleront des affaires de la Cité. C’est sans doute ce qui gêne nos élus, qui pensent que le foot est bien assez bon pour le populo.
Pilonnons Pilaud !
Quelques chiffres
40 millions de francs de budget pour le GF 38 en 2001-02 (source : GF 38) . A votre avis, combien viennent de vos impôts ?
356 millions de francs prévus pour la construction du grand stade (source : Métro)
16 000 bénéficaires du RMI en Isère fin mars 2000, contre 9 000 en juin 1994 (source : Direction Départementale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle)
45 matches arrêtés à cause de la violence des joueurs ou des supporters en Isère en 2000-01 (source : Dauphiné Libéré 02/07/01)
22 octobre 2001
T’as vu ta ville ?