Tandis que Michel Destot, maire de Grenoble, feint de s’inquiéter des effets des ondes électromagnétiques sur la santé, sa municipalité impose le Wifi dans les bibliothèques de la ville, au nom du Progrès.
Mais, parfois, les rats de bibliothèque se rebiffent.
(Pour lire le texte intégral, cliquer sur les icônes ci-dessous.)
Présent dans les jardins publics, dans certains bars, commerces et hôtels, sur le campus et dans les bibliothèques universitaires, dans nos immeubles, le Wifi arrive cette année dans les bibliothèques municipales de Grenoble. Le réseau des BM, jusqu’alors relativement épargné (la bibliothèque Kateb Yacine est déjà équipée), va se doter de la technologie sans fil dans plusieurs établissements, en particulier dans les « têtes de réseau » : bibliothèques du Centre-ville et d’Etude et d’information. Cette décision d’installer le Wifi vient en partie de la demande récurrente de certains usagers désireux d’accéder à Internet depuis leur ordinateur portable.
Il est louable de la part de la direction des bibliothèques de répondre à ces exigences. Cependant, elle n’est pas sans savoir que cette technologie sans fil a causé dans quatre bibliothèques parisiennes des maux de tête, vertiges, malaises, douleurs musculaires, à certains salariés, obligeant la Mairie de Paris à désactiver temporairement les bornes en novembre 2007. Récemment, « Les agents de bibliothèques universitaires [à Paris] qui se plaignaient, depuis plusieurs mois, de nuisances liées au wifi viennent d’obtenir gain de cause, provisoirement au moins : un moratoire sur les bornes wifi a été décidé à l’université Sorbonne Paris III lors de la dernière réunion du comité hygiène et sécurité, le 30 avril. […] Ce moratoire concerne l’ensemble des établissements dépendants de Paris III – les bibliothèques Sainte-Geneviève (où le wifi avait déjà été débranché il y a un an pour être remplacé par une installation filaire), Sainte-Barbe (un site ouvert très récemment où il était prévu d’installer le wifi en complément du filaire), celle des Langues Orientales et le centre de documentation de la faculté de Censier. » (Libération, 13/05/09)
La direction des bibliothèques ne peut ignorer que son employeur, Michel Destot – après avoir couvert le centre-ville de bornes Wifi – a adressé une lettre en septembre 2008 au ministre de l’Ecologie sur les antennes de téléphonies mobiles et du Wifi : « Les études scientifiques étant contradictoires sur le sujet, il relève bien de la responsabilité de l’Etat, en application du principe de précaution, de prendre des mesures nécessaire à la protection de la population. » Voici un maire pressé de se décharger de ses responsabilités. Le principe de précaution aurait été de ne jamais installer ces bornes. Si la protection de la population importait tant au maire, il retirerait par précaution ces bornes et autres équipements nécro-technologiques au lieu d’attendre de l’Etat d’hypothétiques mesures.
Mais le vrai “principe de précaution” pour notre santé mentale, sociale et politique aurait commandé de ne jamais procéder à “l’informatisation de la société” ni de sacrifier des métiers entiers et les rapports humains à la rationalisation et à la croissance économique. Il commanderait l’arrêt de la fuite en avant technologique et de l’implantation dans les documents des bibliothèques de puces électroniques RFID qui remplaceront bientôt les bibliothécaires eux-mêmes.
La direction ne peut ignorer le “Grenelle des ondes” (mai 2009) - aveu des nuisances des ondes électromagnétiques. Elle nous dira que ce “Grenelle” n’a pas tranché de la nocivité de ces technologies et que l’on ne connaît pas encore les risques avec certitude. Pendant que les autorités se retranchent dans l’attente du énième rapport de l’AFSSET et de l’étude européenne Interphone, nous demeurons exposés, cobayes d’une expérience grandeur nature.
Faut-il rappeler que les lobbies du tabac, de l’amiante, des pesticides, du nucléaire ont toujours influencé des études sanitaires, concluant à l’insignifiance de leurs activités sur leurs cobayes humains. Ce qui tôt ou tard devient un “scandale sanitaire” avec son lot de cancers.
La direction des bibliothèques s’est-elle demandé avant d’installer le Wifi, comment réagit le corps des usagers et du personnel exposé toute la journée aux champs électromagnétiques ? Le corps humain étant composé de 80% d’eau, quel est l’effet d’une exposition constante aux micro-ondes dont les fréquences mettent en mouvement les molécules d’eau ? Comment un environnement saturé de champs électromagnétiques influe-t-il sur la communication intercellulaire, basée sur la circulation des signaux électriques ? Les usagers devront-ils désormais laisser les enfants, plus sensibles encore aux ondes électromagnétiques, en compagnie de nos amis les animaux priés de rester à la porte des établissements ?
« Mais, nous dira la direction de ces bibliothèques, nous avons étudié la question et nous allons respecter la norme d’exposition au rayonnement ! » Une norme n’est jamais qu’un permis de léser la santé des gens jusqu’au seuil fixé administrativement. Pendant que les experts chipotent sur les doses “tolérables” pour chaque nouvelle nuisance, les sources d’exposition se multiplient et se diversifient, créant un cocktail dont les effets cumulés ne sont jamais pris en compte. Le wifi est la dernière couche ajoutée à notre environnement pathogène : pesticides, produits chimiques, métaux lourds, pollution de l’air et de l’eau, nucléaire, malbouffe. Cela rappelle la torture dite de “la goutte d’eau” : lâchez une goutte d’eau sur le front d’un prisonnier, celle-ci ne lui fera rien. Faîtes tomber cette même goutte pendant des heures, il en deviendra fou. Il n’y a pas de faibles doses. Une dose, même minime, souvent répétée entraîne des conséquences nuisibles.
Michel Bounan : « Aucun des précédents facteurs n’est la cause nécessaire de la maladie cancéreuse. En réalité, c’est leur effet global qui permet de comprendre l’actuelle recrudescence des cancers et d’infirmer du même coup, les fallacieux arguments de ceux qui ne parlent que de doses et d’intensité. » (La vie innommable, Allia, 2000).
Les êtres humains ne réagissent pas tous de la même manière aux pollutions. Par exemple, les électro-sensibles ne peuvent pas vivre dans un environnement saturé de champs électromagnétiques artificiels. Condamnés à se réfugier dans des “zones blanches” comme ce “village anti-ondes” de la Drôme. Ceux-là sont exclus de fait des bibliothèques équipées du Wifi. Doit-on sacrifier certains usagers des bibliothèques pour que d’autres puissent se connecter sans fil sur leur portable ? Au temps pour le service public.
A ceux qui se demandent pourquoi on n’installe pas du filaire pour l’accès Internet, la direction répondra que cela coûte plus cher. La Mairie qui siphonne le budget culturel pour financer ses “Jeux de neige” ne pourra que féliciter les responsables des bibliothèques d’une telle économie. Il est plus avantageux de soumettre de centaines de personnes aux ondes électromagnétiques du Wifi que de consentir les frais d’un système filaire.
Les conséquences sanitaires pour les usagers et le personnel sont cher payées pour quelques internautes sans fil. Autant vous y faire, c’est le prix de la numérisation de nos vies.
Des rats de bibliothèque
Grenoble, septembre 2009