« Fermez STMicroelectronics. De l’eau, des terres, et non des puces. » C’est le résumé de cette enquête qui décortique les multiples méfaits écologiques, sanitaires, sociaux, politiques, policiers (liberticides) – et anthropologiques - de l’industrie du numérique, à travers l’énorme cas de l’usine de Crolles-Bernin, à 20 km de Grenoble. Le plus gros investissement en France – 2,8 milliards d’euros – depuis la construction des anciennes centrales nucléaires.
Nous avons tenté d’être précis et complets. Nous avons démonté la chaîne criminelle de la téléphonie mobile (ton smartphone), depuis les mines de coltan du Kivu, dans l’Est du Congo, les ravages des eaux et forêts, les massacres de populations et d’animaux, le servage et l’exploitation des enfants ouvriers ; jusqu’à l’empoisonnement et la destruction des sols et des chantournes, les vieux canaux d’irrigation des villages de Crolles et Bernin, sur les bords de l’Isère, dans la vallée du Grésivaudan.
Nous avons détaillé les coûts en eau, en électricité et en matières premières pour la production des puces, ainsi que les rejets de gaz et d’effluents toxiques qui exterminent les poissons et affectent les enfants. Nous avons pointé les dépotoirs électroniques en Chine et en Afrique, où des enfants encore – entre autres – s’empoisonnent à « recycler » ton smartphone. Nous avons exposé les dangers des ondes électromagnétiques, des antennes relais et des mobiles pour les cobayes humains (tumeurs, grillades de cerveaux).
Nous avons décrit la plus cynique opération marketing de l’industrie, depuis celle de l’industrie du tabac, pour asservir une génération de « digital natives » aux écrans, aux applis et au tout-connecté. Avec notamment l’IDEAS Lab de STMicro et du CEA-Léti pour lui vendre de « nouveaux usages », et les médias, du Monde au Figaro, pour rivaliser d’articles positifs sur toutes ces merveilleuses innovations. [1]
Nous avons alerté – mais, oui – contre l’instauration de cette laisse et de ce mouchard électroniques, contre cette ruée en masse vers la servitude volontaire. Contre l’abandon de l’autonomie personnelle au profit de l’assistance et de l’autorité numériques. Contre l’adoption enthousiaste de cette prothèse à fabriquer du handicap. Nous avons dénoncé la traçabilité du cheptel humain au moyen des puces de STMicroelectronics (RFID, puces biométriques, smartphones) ; la désagrégation mentale des « usagers » sans cesse divertis par leurs « alertes » numériques ; la mutation de notre société en technocrature pilotée par la machine à gouverner cybernétique.
Vraiment, on a essayé. Nous avons publié cette enquête en juin 2005, voici vingt ans de cela. Deux ans après que la terrible canicule de l’été 2003 (15 000 morts), ait calciné le Néron et asséché nos rivières, signalant ainsi notre entrée dans l’ère des catastrophes climatiques, de plus en plus fréquentes depuis. Nous avons essuyé vingt ans de silence et de condescendance de la part des « vrais anarchistes » et « révolutionnaires » (« Science-fiction - catastrophisme – technophobie », etc.). Sinon vingt ans de mépris pour notre pratique de « l’enquête critique » (« Un truc de flics – de journalistes – d’intellos », etc.).
Elle ne devait pas être si mauvaise puisque de « nouveaux technocritiques », qui avaient tant d’autres priorités depuis vingt ans, dupliquent maintenant ce que nous n’avons cessé de dire – et derechef, lors de la sécheresse de l’été 2022, dans un texte intitulé « STMicroelectronics, les incendiaires et les voleurs d’eau ». Toutefois leur avidité « à se réapproprier l’enquête critique » et « la technocritique » ne va pas jusqu’à signaler d’où ils tirent les excellents raisonnements et renseignements communiqués à leurs jeunes lecteurs nés après l’an 2000. Ni à expliquer les ressorts de leur récente conversion, eux qui avaient tant de raisons de faire autre chose que ce que nous faisions, et de nous blâmer hautement (Cf. « Le secret, c’est de tout dire », 2003).
Aussi leurs duplicatas tardifs se présentent davantage comme d’utiles mises à jour d’une enquête publiée vingt ans plus tôt, que comme de véritables critiques des nouveaux progrès du règne machinal ; notamment dans le domaine du transhumanisme et de l’artificialisation de l’espèce humaine. [2]. Ils font juste ce qui est facile maintenant, et qui ne l’était pas, il y a vingt ans, quand il fallait faire la brèche et mâcher la besogne, nous laissant généreusement le difficile et le conflictuel. Qui sait ? Ces « nouveaux technocritiques » se réapproprieront-ils la critique de la biophobie et de la production technologique de l’humain d’ici une vingtaine d’années ?
Raison de plus, en attendant, pour laisser le lecteur juger sur pièce en republiant cette enquête de 2005 massivement siphonnée par ces honnêtes et courageux opposants à « l’accaparement des ressources par STMicroelectronics et les industries du numérique ».
(Pour lire le texte, ouvrir le PDF ci-dessus.)
[1] Cf. Pièces et main d’oeuvre, Sous le soleil de l’innovation. Rien que du nouveau ! 2013 aux éditions L’Echappée
[2] Cf. Pièces et main d’œuvre. Manifeste des chimpanzés du futur contre le transhumanisme, Service compris, 2017, rééd. 2023 ; Alertez les bébés ! Objections aux progrès de l’eugénisme et de l’artificialisation de l’espèce humaine, Service compris, 2020